« Tu me tues. / Tu me
fais du bien. / J'ai le temps. / Je t'en prie. / Dévore-moi. »
Marguerite Duras – Hiroshima mon amour
Amour : « Tu me tues / Tu me fais du bien » : pourquoi pas ? Mais aussi
qu’est-ce qu’on justifie en disant cela ?
Un sondage d’opinion a fait
la une il y a quelques jours : à la question de savoir si les femmes
aiment à être forcées dans l’acte sexuel, une forte minorité répond
« oui » (voir ici). Et on comprend ainsi qu’une femme ne refuse
l’accouplement que parce qu’elle a été éduquée come cela – mais qu’on lui
impose le rapport sexuel, et là elle se déchaine (1)
L’idée est que la jouissance
physique est précisément au-delà des limites, là où le plaisir et la douleur
fusionnent ; que le paroxysme de l’orgasme n’a d’autres limites que celles
des forces des corps, et nullement celles d’un contrôle de la volonté, au point
que l’une des plus anciennes drogues connues de l’humanité est sans doute une
drogue aphrodisiaque.
Alors, faut-il vanter
l’audace du violeur qui sans se préoccuper de sa victime, cherche seulement à
dépasser ses propres limites ? Faut-il, plus exactement, dire que les
limites imposées par la partenaire sont faites pour être outrepassées, parce
que de toute façon, c’est la violence qui est le seul moyen de lui donner de la
jouissance ?
Mais quel cynisme !
Comment peut-on ainsi se substituer à la victime pour juger de son état, comme
celui qui dirait non pas « Je suis violent en amour parce que je
suis un homme – un vrai » ; mais « Je force les femmes, parce
qu’elles aiment ça ». Autrement dit, au-delà des excuses du viol par
provocation féminine, il y a sa bénédiction par renversement des
valeurs : le mal devient le bien, la souffrance devient jouissance.
Le problème, c’est qu’au delà
du viol du corps, ce genre de jugement apporte l’idée que le violeur sait mieux
que la victime elle-même ce qu’elle ressent, ce qu’elle doit penser du sort qui
lui est fait : « Ce que je te fais subir, c’est pour ton
bien ! – Tu me remercieras plus tard ! »
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(1) « Quand tu ne te sens plus chatte / Et que tu
deviens chienne / Et qu'à l'appel du loup / Tu brises enfin tes chaînes »
chante Johnny Halliday.
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