Chose horrible ! des entrailles engloutir des entrailles, un
corps s’engraisser d’un autre corps, un être animé vivre de la mort d’un être
animé comme lui !
Ovide
– Propos attribués à Pythagore
Je reviens aujourd’hui sur un Post du 8 mars où j’avais cité
ce texte sans développer cette condamnation de l’alimentation carnée. J’y reviens
parce qu’Ovide utilise différents procédés, dont certains ne sont pas très
courants.
1 – D’abord, le plus banal : au lieu de dire « Tu es ce que tu manges » il inverse
le procédé : « Ce que tu manges
te ressemble. Le même dévore le même
et donc au prix de la mort de ton semblable que tu vis ». Là, il
s’agit d’affirmer que nous ressemblons essentiellement à l’animal, pas à la
plante : je suis comme l’agneau dont je viens de mettre une côtelette dans
mon assiette, mais je ne suis pas comme le poireau qui cuit dans ma soupe. Et
du coup, la vie que je ravis à l’animal destiné à la boucherie est la même que
celle de l’homme ; et l’agneau que l’on égorge est comme son petit enfant.
2 – Filant la métaphore jusqu’au détail, Ovide nous invite à
comparer ce que nous ingérons avec ce qui nous permet de digérer. Il s’agit de
trouver une identité entre l’alimentant et l’alimenté, mais plus subtilement
qu’avec le cannibalisme, il nous invite à imaginer l’estomac qui avale
l’estomac, la tripe qui digère la tripe, les entrailles qui engloutissent des
entrailles.
Oui, voilà des choses horribles, et rien ne sert de
dire : « J’ai été fait comme
ça, et les autres animaux font exactement comme ça eux aussi : c’est un
processus naturel, voulu par la nature (ou par Dieu) ». Car on vous
rétorquera que l’humanité ne vaut que par les efforts qu’elle fait pour
s’élever au-dessus de l’animalité. La société, avec les règles qu’elle nous contraint
d’observer pour pacifier les rapports humains, ou avec les prohibitions qu’elle impose
à l’instinct sexuel afin d’introduire un peu de moralité entre les hommes. Voilà
ce qui caractérise l’Homme. Et donc pourquoi ne pas en faire autant avec ce que
nous mangeons ?
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