Marx – Manuscrit de 1844 (Lire le texte ici)
La condition essentielle de cet épanouissement /des
forces humaines/ est la réduction de la journée de travail.
Marx - Le Capital,
livre III, chapitre 48 (posthume)
Au moment où vient en discussion la réforme du Droit du travail, on mesure avec curiosité (et même un peu d’effroi) la perte causée par l’oubli de la pensée marxiste, et en particulier son analyse de l’aliénation par le travail.
Qu’aujourd’hui on ne pense qu’aux salaires, et
accessoirement à la durée du travail, que l’évaluation du travail du dimanche
soit laissée à l’appréciation du travailleur, un peu comme on dit que se
prostituer est une option comme une autre lorsqu’il s’agit de trouver une
activité rémunérée, voilà un oubli redoutable !
En 1844 travailler c’est se mettre aux ordres d’un
patron à qui on vend contre salaire sa
force de travail, son énergie vitale 12 heures par jour. A la limite, l’ouvrier
qui, en sortant de l’usine aurait encore la force de bécher son petit jardin ou
de faire un câlin à sa femme aurait volé son patron : voilà de l’énergie
qu’il aurait dû dépenser à l’atelier!
Oui, le droit du travail a évolué depuis, mais les mêmes
principes sont à l’œuvre : aujourd’hui comme en 1844, travailler c’est
renoncer à une partie de soi-même, à une durée de sa vie, pendant la quelle on
est soumis à l’autorité d’un chef d’entreprise. Pire : dans une fabrique
de ronds de chiotte la joie de vivre du commercial
est subordonnée au mérite de l’avoir emporté dans la concurrence avec les
autres commerciaux : « Gloire à celui qui en aura vendu plus que les
autres… »
Qu’on soit satisfait de cette activité et qu’on puisse
dire : « Si j’avais eu à
choisir ma vie, je l’aurais consacrée à ce que je fais en ce moment sous les
ordres de mon patron » : soit – pourquoi pas, et tant mieux. Mais
qu’on ne s’y trompe pas : le travail salarié n’a pas pour objectif
d’épanouir votre vie. Il est là pour enrichir l’investisseur, et s’il vous
satisfait tant mieux – mais votre patron s’en fiche complètement, sauf s’il
s’est persuadé que vous lui êtes encore plus profitable lorsque vous êtes
content de ce que vous faites pour lui.
On me dit que l’essentiel aujourd’hui est d’échapper au
chômage, que les besoins vitaux ne sont jamais vraiment rassasiés que quand on
est assuré de l’avenir. Soit. Mais mesurez quand même la régression de nos
revendications depuis un siècle et demi siècle.
No comments:
Post a Comment