Tuesday, March 15, 2016

Citation du 16 mars 2016

On en vient donc à ce résultat que l'homme (l'ouvrier) se sent agir librement seulement dans ses fonctions ani­males : manger, boire, procréer, ou encore, tout au plus, dans sa maison, en s'habillant, etc., en revanche, il se sent animal dans ses fonctions proprement humaines. Ce qui est animal devient humain, et ce qui est humain devient animal.
Marx – Manuscrit de 1844 (Lire le texte ici)
La condition essentielle de cet épanouissement /des forces humaines/ est la réduction de la journée de travail.
Marx - Le Capital, livre III, chapitre 48 (posthume)

Au moment où vient en discussion la réforme du Droit du travail, on mesure avec curiosité (et même un peu d’effroi) la perte causée par l’oubli de la pensée marxiste, et en particulier son analyse de l’aliénation par le travail.
Qu’aujourd’hui on ne pense qu’aux salaires, et accessoirement à la durée du travail, que l’évaluation du travail du dimanche soit laissée à l’appréciation du travailleur, un peu comme on dit que se prostituer est une option comme une autre lorsqu’il s’agit de trouver une activité rémunérée, voilà un oubli redoutable !
En 1844 travailler c’est se mettre aux ordres d’un patron  à qui on vend contre salaire sa force de travail, son énergie vitale 12 heures par jour. A la limite, l’ouvrier qui, en sortant de l’usine aurait encore la force de bécher son petit jardin ou de faire un câlin à sa femme aurait volé son patron : voilà de l’énergie qu’il aurait dû dépenser à l’atelier!
Oui, le droit du travail a évolué depuis, mais les mêmes principes sont à l’œuvre : aujourd’hui comme en 1844, travailler c’est renoncer à une partie de soi-même, à une durée de sa vie, pendant la quelle on est soumis à l’autorité d’un chef d’entreprise. Pire : dans une fabrique de  ronds de chiotte la joie de vivre du commercial est subordonnée au mérite de l’avoir emporté dans la concurrence avec les autres commerciaux : « Gloire à celui qui en aura vendu plus que les autres… »
Qu’on soit satisfait de cette activité et qu’on puisse dire : « Si j’avais eu à choisir ma vie, je l’aurais consacrée à ce que je fais en ce moment sous les ordres de mon patron » : soit – pourquoi pas, et tant mieux. Mais qu’on ne s’y trompe pas : le travail salarié n’a pas pour objectif d’épanouir votre vie. Il est là pour enrichir l’investisseur, et s’il vous satisfait tant mieux – mais votre patron s’en fiche complètement, sauf s’il s’est persuadé que vous lui êtes encore plus profitable lorsque vous êtes content de ce que vous faites pour lui.


On me dit que l’essentiel aujourd’hui est d’échapper au chômage, que les besoins vitaux ne sont jamais vraiment rassasiés que quand on est assuré de l’avenir. Soit. Mais mesurez quand même la régression de nos revendications depuis un siècle et demi siècle.

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