Stratonice : Il est bon qu'un mari nous cache
quelque chose, / Qu'il soit quelquefois libre, et ne s'abaisse pas / A nous
rendre toujours compte de tous ses pas. /…/
La loi de
l’hymen/…/ N'ordonne pas qu'il tremble alors que vous tremblez. / Ce qui fait
vos frayeurs ne peut le mettre en peine.
Corneille – Polyeucte acte I, scène 3
Lisons le passage en question : Stratonice, la confidente de Pauline (femme de
Polyeucte) calme le dépit que celle-ci éprouve de n’avoir pas été mise par son
époux au courant de ses dangereux projets. Stratonice affirme que les femmes,
devant le danger, ont une réaction de peur qui risquerait de paralyser la
hardiesse dont les hommes ont besoin pour agir.
Du coup, la
transparence est rejetée comme dangereuse : elle ne convient qu’aux chefs qui
devant une situation donnée, sont inébranlables non seulement dans leurs choix,
mais aussi dans leurs affects. Polyeucte agit en chrétien qui se sent missionné
pour détruire les idoles païennes, ce qui le met en situation d’être
martyrisé : on comprend que la femme qui l’aime soit tremblante et
implorante, qu’elle ne se sente pas attirée elle aussi par un tel destin. Un
peu comme on cache à un enfant l’épreuve qu’il devra subir (l’opération
chirurgicale, la séparation d’avec ses parents etc.) pour ne pas atténuer son
courage, on aura le droit de mentir à la femme qui ne pourrait affronter son
destin sans tremblement.
Bon – que
dire de plus ?
Peut-être
ceci : puisque le mensonge (du moins par omission) est parfois requis,
cela veut-il dire que le médecin doit également cacher la vérité à son
patient ? Après tout, s’il est vrai que la confiance dans l’avenir
constitue un élément de la guérison, pourquoi le médecin ne pourrait-il pas
user de son crédit pour lui cacher l’avenir et préserver sa détermination à
guérir ? Alors, bien sûr, le médecin a aussi le devoir de
transparence ; il doit communiquer à son patient tous les éléments de son
dossier, même s’il contient la révélation de l’imminence de l’issue fatale. Mais
il peut aussi tout faire pour éviter d’en arriver là en affichant une sérénité
pourtant hors de propos.
Faire son
devoir, et désespérer le malade, ou bien lui mentir et le réconforter : voilà
un choix cornélien.
No comments:
Post a Comment