Friday, March 04, 2016

Citation du 5 mars 2016

Stratonice : Il est bon qu'un mari nous cache quelque chose, / Qu'il soit quelquefois libre, et ne s'abaisse pas / A nous rendre toujours compte de tous ses pas. /…/
La loi de l’hymen/…/ N'ordonne pas qu'il tremble alors que vous tremblez. / Ce qui fait vos frayeurs ne peut le mettre en peine.
Corneille – Polyeucte  acte I, scène 3
Lisons le passage en question : Stratonice, la confidente de Pauline (femme de Polyeucte) calme le dépit que celle-ci éprouve de n’avoir pas été mise par son époux au courant de ses dangereux projets. Stratonice affirme que les femmes, devant le danger, ont une réaction de peur qui risquerait de paralyser la hardiesse dont les hommes ont besoin pour agir.
Du coup, la transparence est rejetée comme dangereuse : elle ne convient qu’aux chefs qui devant une situation donnée, sont inébranlables non seulement dans leurs choix, mais aussi dans leurs affects. Polyeucte agit en chrétien qui se sent missionné pour détruire les idoles païennes, ce qui le met en situation d’être martyrisé : on comprend que la femme qui l’aime soit tremblante et implorante, qu’elle ne se sente pas attirée elle aussi par un tel destin. Un peu comme on cache à un enfant l’épreuve qu’il devra subir (l’opération chirurgicale, la séparation d’avec ses parents etc.) pour ne pas atténuer son courage, on aura le droit de mentir à la femme qui ne pourrait affronter son destin sans tremblement.
Bon – que dire de plus ?
Peut-être ceci : puisque le mensonge (du moins par omission) est parfois requis, cela veut-il dire que le médecin doit également cacher la vérité à son patient ? Après tout, s’il est vrai que la confiance dans l’avenir constitue un élément de la guérison, pourquoi le médecin ne pourrait-il pas user de son crédit pour lui cacher l’avenir et préserver sa détermination à guérir ? Alors, bien sûr, le médecin a aussi le devoir de transparence ; il doit communiquer à son patient tous les éléments de son dossier, même s’il contient la révélation de l’imminence de l’issue fatale. Mais il peut aussi tout faire pour éviter d’en arriver là en affichant une sérénité pourtant hors de propos.

Faire son devoir, et désespérer le malade, ou bien lui mentir et le réconforter : voilà un choix cornélien.

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