Celui qui accepte de mourir, de payer une vie pour une vie,
quelles que soient ses dénégations, affirme du même coup une valeur qui le
dépasse lui-même.
Camus
– L’homme révolté
L’attentat terroriste est justifié /pour Camus/, si le
meurtrier offre sa propre vie en compensation de celle qu’il arrache, au nom de
valeurs qui le dépassent.
Brice
Couturier – Les Idées claires Mourir pour des idées...
Les
attentats terroristes soulèvent une horreur unanime et c’est à peine si ceux
qui les commettent nous paraissent être des humains comme nous. Pourtant il y
eut un philosophe pour justifier de tels attentats – du moins ceux qui sont
commis par des « kamikazes » : c’est Albert Camus, dans L’homme révolté. Il y a deux ans, Brice
Couturier consacrait à cette question cette chronique sur France culture. (1)
o-o-o
On peut lire ci-dessus une citation extraite du commentaire de Brice Couturier ; il y ajoute cette autre citation de Camus :
« La révolte n’a qu’une manière de
se réconcilier avec son acte meurtrier s’il s’y est laissé porter : accepter sa
propre mort et le sacrifice. » (L’homme
révolté, p. 252).
Bien sûr cette thèse entre en résonance avec les attentats
djihadistes de Bruxelles, comme avec les autres attentats qui au Moyen-Orient tuent
des quantités invraisemblables de pauvres gens innocents. Quoique ces victimes
innocentes fassent saigner nos cœurs, ces attentats seraient justifiés à une
condition : que le terroriste se constitue en martyre de sa cause, c’est à dire, comme le souligne
Camus, qu’en choisissant cette mort, il affirme du même coup une valeur qui le dépasse lui-même.
Nous sommes révoltés à l’idée que quelque chose puisse
justifier ce qui nous paraît justement injustifiable. Qu’on puisse dire :
« votre vie ne vaut rien ; elle n’est là que pour rendre plus
extraordinaire le sacrifice que je fais de ma propre vie » c’est cela qui
est horrible. On pourrait dire au terroriste : « Les bonzes du Vietnam
se sont immolés par le feu sans tuer personne. En sacrifiant leur vie ils
se sont comportés en martyrs montrant que leurs valeurs religieuses sont
bien plus importantes que leur existence – mais ils n’ont pas cru nécessaire
d’entrainer des innocents dans leur mort ».
Mais les kamikazes djihadistes nous mettent au défi :
« Vous tremblez par peur de mourir ? Vous refusez de mourir pour vos
valeurs ? Comparez à notre mort triomphante : mourir en martyr est
bien plus souhaitable que continuer de vivre dans ce monde d’infidèles.
Convertissez-vous ! »
--> Nous pousser à renoncer à nos valeurs, là est la
victoire du terroriste.
Camus ne l’a je crois pas dit, peut-être parce qu’il n’a pas
connus nos terroristes : aujourd’hui, ce renoncement commence avec la
haine des autres.
-------------------------------
(1) On y trouve cette remarque, que je livre à votre
réflexion : « Et aujourd’hui,
existe-t-il des causes pour lesquelles nous serions prêts à mourir ? Telle est
la question posée par l'enquête de Radio France. On a bien peur de devoir
répondre par la négative. »
3 comments:
Si mourir pour son prince est un illustre sort,
Quand on meurt pour son Dieu, quelle sera la mort !
# Pierre CORNEILLE # Tragédien # "Polyeucte, acte IV, scène 3" # milieu XVIIe (1642) # Francophone
Mourir pour une religion ne prouve pas qu'une religion soit véritable ou divine; cela prouve tout au plus qu'on la suppose telle. Un enthousiaste, en mourant, ne prouve rien sinon que le fanatisme religieux est souvent plus fort que l'amour pour la vie.
# Jean MESLIER # Curé, philosophe # "Le bon sens du Curé Jean Meslier suivi de son testament" # début XVIIIe (Publié en 1762) # Francophone
Mourir pour une cause ne fait pas que cette cause soit juste.
# Henry DE MONTHERLANT # Écrivain # "Les Lépreuses" # milieu XXe (1946) # Francophone
Merci de ces belles citations : continuez tant que vous pourrez !
Post a Comment