A mon avis, la démocratie apparaît lorsque les
pauvres, ayant emporté la victoire sur les riches, massacrent les uns,
bannissent les autres, et partagent également avec ceux qui restent le
gouvernement et les charges publiques (= magistrature) ; et le plus souvent ces charges sont
tirées au sort.
Platon, La République, VIII, 557b
Nous qui voyons avec effarement le déroulement
des primaires américaines nous nous disons : « Pas possible !
Comment éviter qu’un bouffon aux les yeux injectés de sang puisse briguer la
place de Président de la première puissance mondiale ? Comment éviter un
pareil dévoiement de la démocratie ? »
– Au fait, les grecs, eux qui ont inventée la
démocratie, comment se débrouillaient-ils ? Platon répond et ça se passe
en deux temps :
-
Premier temps, la guerre civile ; les pauvres massacrent les riches et
leur arrachent le pouvoir.
-
Deuxième temps, la paix : entre les citoyens égaux parce qu’également
inférieurs, pas de compétition pour le pouvoir, les charges de magistrats sont
distribuées par tirage au sort.
Mais on s’en doute : le tirage au sort,
ça ne marchait pas pour les premières charges, celles qui comportaient le plus
de pouvoir. Lorsque Platon décrit le processus de développement de la
démocratie il met en relief le rôle du démagogue.
Oui, pas de démocratie sans démagogie, qui met en place un régime qui, faute de
tenir sa légitimité de son origine ou de sa compétence, la tire du suffrage
populaire obtenu grâce à des lois qui sont favorables au petit peuple. Mais
qu’on ne s’y trompe pas : un tel régime est instable, tant sont
insatiables les désirs populaires. Pour finir, la démocratie se corrompt en
tyrannie, le pire de tous les régimes, celui qui répond aux pires aspirations
du peuple et qui est tellement mauvais qu’on peine à dire que c’est encore un régime
politique.
Et nous dans tout ça ? Ne nous
serions-nous pas contentés de repeindre des fraiches couleurs de la modernité
la démocratie grecque ? Après tout, quelle différence entre le démagogue
de Platon et le populiste Donald Trump (1) ? Et quelle différence entre
nos politiciens et les sophistes grecs ? Suivant Platon, le Siècle des
Lumières a bien tenté de réanimer la monarchie du philosophe-roi décrit dans la
République : ça s’est appelé le
despotisme éclairé, et ça s’est
incarné dans Fréderic II de Prusse, Catherine II de Russie et l’empereur Joseph
II en Autriche. Et tout ça a mal fini.
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(1) Là, je l’avoue, j’édulcore un peu : en lisant la République, on découvre que Trump serait
plutôt un tyran qu’un démagogue. Fasse le ciel que nous n’ayons pas l’occasion
de le vérifier à l’issue de scrutin !
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