Fabienne Kabou n'est pas une jeune femme perdue et
déconnectée de la réalité : elle a un QI bien supérieur à la moyenne.
Jacques
Pradel – L’heure du crime
Nous poursuivons encore un instant la dramatique histoire de
cet infanticide commis sans explication raisonnable par une mère, qui ne trouve
d’autres justification que celle d’un démon qui se serait emparé de son âme.
La personnalité de cette femme renforce le caractère
énigmatique de ce crime. Car Fabienne Kabou, est issue d’une famille aisée de
Dakar (1), ce qui fait dire à Jacques Pradel « cette jeune femme n’est pas perdue et ni déconnectée de la
réalité : elle a un QI bien supérieur à la moyenne. » - et on précise : QI de 135.
Bien sûr, c’est facile d’ironiser sur de tels jugements en
soulignant que les hommes de la préhistoire étaient fort bien adaptés à leur
milieu et qu’ils n’ont jamais eu besoin d’un QI de 135 pour survivre –
Attention ! Je ne suis pas entrain de dire qu’ils étaient des brutes au
front bas ; simplement j’observe que suivant la règle darwinienne qui veut
que seuls les mieux adaptés survivent, et se reproduisent, Pradel serait
entrain de supposer que seuls des surdoués auraient pu vivre assez longtemps
pour se reproduire et de générations en génération nous serions tous des
descendants de génies – et donc génies
nous mêmes ! Hum…
Mais, plus sérieusement, l’esprit un peu curieux se demandera : est-ce qu’une
telle intelligence ne désadapte pas de la réalité, plutôt que d’en assurer
compréhension et maitrise ? Le modèle populaire est celui du savant fou
(Vu
ici)
Le savant fou est certes supérieurement intelligent, mais il
est en revanche incapable de saisir les valeurs du présent et s’acharne à tout
détruire – un peu comme cette mère qui abandonne son enfant sur le rivage à la
marée montante…
On cherchera dans la littérature philosophique des arguments
en faveur de cette hypothèse chez les ennemis de la raison, Rousseau et autres
(2).
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(1) Elevée
à Dakar dans un milieu très favorisé, fille d'un traducteur de l'ONU et d'une
femme salariée par une grande maison d'édition, excellente élève, l'accusée a
abandonné des études d'architecture au profit d'un cursus universitaire de
philosophie: elle avait commencé une thèse sur Wittgenstein.
(2) Il est vrai que les ennemis de la raison, ainsi que le
constate Kant, sont plus généralement des épicuriens qui ne trouvent pas
leur compte de plaisir dans l’exercice de la raison.
« Plus une raison
cultivée s'occupe de poursuivre la jouissance de la vie et du bonheur, plus
l'homme s'éloigne du vrai contentement. Voilà pourquoi chez beaucoup, et chez
ceux-là mêmes qui ont fait de l'usage de la raison la plus grande expérience,
il se produit, pourvu qu'ils soient assez sincères pour l'avouer, un certain
degré de misologie, c'est-à-dire de haine de la raison. En effet, après avoir
fait le compte de tous les avantages qu’ils retirent, je ne dis pas de la
découverte de tous les arts qui constituent le luxe ordinaire, mais même des
sciences (...), ils trouvent qu’en réalité ils se sont imposé plus de peine
qu’ils n’ont recueilli de bonheur ; aussi, à l’égard de cette catégorie plus
commune d’hommes qui se laissent conduire de plus près par le simple instinct
naturel et qui n’accordent à leur raison que peu d’influence sur leur conduite,
éprouvent-ils finalement plus d’envie que de dédain. » Kant, Fondements de
la métaphysique des mœurs.
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