Douce poésie
! le plus beau des arts ! Toi qui, suscitant en nous le pouvoir créateur, nous
met tout proches de la divinité.
Guillaume Apollinaire – La femme assise
On se
rappelle que les grecs dérivaient le mot « poésie » du verbe « poïein » signifiant justement
créer. La poïèsis est un mot
désignant un genre entier, à savoir toute création littéraire, qui par
métonymie a été attribué exclusivement à la pratique la plus marquante de cette
action. Un peu comme le mot « homme » sert à désigner en français
tout être humain, y compris les femmes.
Pourquoi
pas ? Reste que, selon Apollinaire, la poésie serait justifiée à emprunter
le genre entier pour elle toute seule parce qu’elle susciterait le pouvoir
créateur, et que quiconque serait créateur serait aussi un poète – ou du moins,
aurait commencé en étant poète.
Je sais bien
qu’il y a autant de définition de la poésie qu’il y a de poètes, et qu’à
vouloir dire que chacun en créant le devient on ne risque pas d’être démenti.
Mais enfin, à voir comme la poésie est oubliée aujourd’hui on se demande s’il
faut encore mobiliser un tel pouvoir
créateur qui nous met tout proches de la divinité. La vérité oblige à
reconnaître qu’aujourd’hui un livre de poésie est un fascicule de 50 pages
vendu à 300 exemplaires – et encore : à condition que l’auteur ait une
grande famille et beaucoup d’amis.
Soit. – Mais
alors, si nous devions réécrire la phrase d’Apollinaire, quel mot métrions-nous
à la place de la « poésie » ?
Pour ma part,
je crois qu’il faut effectivement un déclencheur pour que se mette en route ce
pouvoir créateur que nous ne saurions référer à nous mêmes tant il parait
surgir en nous comme une force nouvelle. Mais cette force créatrice impromptue
n’est pas liée à quelque chose d’universel et sans doute beaucoup de gens
l’expérimentent dans des circonstances différentes. Reste que si on ne pense
plus à la poésie quand on évoque cette
force, on ne pense pas moins à « l’écriture ».
Certes, personne il y a un siècle ou
deux n’aurait utilisé ce mot autrement que pour désigner l’art de
calligraphier. Mais voilà sans doute encore une métonymie : écrire
signifie créer par écrit donc susciter la force créatrice qui est en nous – ou
qui y apparaît.
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