Sunday, August 19, 2007

Citation du 20 août 2007

Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux

La Boétie, Discours sur la servitude volontaire

Si l’on cherchait des ancêtres au mouvement anarchiste, on n’aurait sans doute pas besoin de remonter au-delà du XVIème. On se rappelle en effet du Rabelais de l’Abbaye de Thélème (Post du 29 mai 2006) et déjà La Boétie (ici).

On a envie d’applaudir à cette formule, on se dit : «Comment ajouter quelque chose à cette hauteur morale et à cet appel implicite à la résistance ? Il faut être Rousseau pour reprendre ce message. »

Bon. Maintenant, supposons que vous soyez un des malheureux réfugiés du Darfour, terrorisé par les terribles Janjawids. L’envoyé d’une O.N.G. vous dit : Ils ne sont grands que parce que [vous êtes] à genoux. Autrement dit cest votre lâcheté qui est la cause de votre malheur, vous êtes responsable. Pire encore : vous ne faites pas seulement votre malheur, vous faites aussi celui des autres malheureux qui vous entourent et qui en vous observant acceptent à votre exemple leur sort sans rébellion.

La Boétie prend appui sur un simple rapport numérique : son discours (que Montaigne a fait éditer) a reçu entre autre titre, celui de « Contre un » : l’Un en question étant le tyran. Mais il oublie déjà qu’une foule désarmée ne peut rien contre un homme armé : certes que tous se précipitent contre lui, et il ne pourra tuer tout le monde avant d’être détruit. Mais il en tuera tout de même : qui donc va courir le risque ?

En outre il ne faut pas négliger les modifications psychologiques produites parla violence : la soumission devient un pli du cerveau, quelque chose qui court-circuite la volonté, comme l’animal sauvage subjugué par son dompteur. Rousseau disait « Tout homme né dans l’esclavage naît pour l’esclavage » (1).

Les pauvres réfugiés du Darfour et d’ailleurs doivent-ils en plus de leur malheur se voir ajouter celui d’être de lâches et des irresponsables ?

La question du jour : l’anarchie vaut-elle ailleurs que dans les pays libres ?

(1) Contrat social, 1- ch.2

3 comments:

Anonymous said...

Et pourquoi pas leurs amener un bon tas d'armes plutot que des médicaments à ces réfugiés. Et pourquoi ne pas envoyer l'armée ? La Darfour ca me semble à la mode, je n'ai vraiment pas suivi (pauvre humain désintéréssé des autres que je suis) mais je me demande ce qui nous permets de dire que les uns sont les tyrans et ont tort et les autres les opprimés et ont tort. Qui sommes nous pour juger.

Techniquement tuer sauvagemment des villages entier et approcher le génocide c'est tristement à la portée de chaque être humain.

Au dela de ces considérations purement morales, naturellement, l'homme tend vers la violence et la domination. Qu'est ce que le bien ou le mal ... C'est mal de tuer et de faire la guerre ? Je trouve le pacifisme et la surpopulation qu'elle engendre bien plus nuisible a la nature et au cycle de la nature ... bon on est d'accord, les guerres devraient se déclarer un peu plus dans le Nord du continent Américain pour avoir un impact significatif x)

Aprés la Chine, l'Afrique futur pays émergent ? Oopah ...

Jean-Pierre Hamel said...

Pour moi, je ne tenais qu’à voir si La Boétie était dans le vrai, en affirmant que les opprimés sont complices des oppresseurs, donc s’ils sont responsables de leur misères. Maintenant, la question de savoir s’il y a des salauds d’un côté et des anges de l’autre, c’est en effet perdu d’avance : les victimes d’aujourd’hui sont peut-être les massacreurs de demain. Et l’histoire regorge d’exemples qui montrent qu’on a toujours tort de vouloir distribuer les brevet de moralité.

Anonymous said...

L'exemple du Darfour ne me semble pas pertinent pour argumenter contre La Boétie.
Dans son essai sur la violence, Hannah Arendt réaffirme elle aussi qu'il n'y a pas de gouvernement qui ne soit exclusivement fondé sur la violence, et que même la pire des tyranies n'est pas possible sans le soutien d'une partie de la population. Car tout gouvernement est fondé sur le pouvoir et le pouvoir émane du regroupement d'individus.
Le cas d'une invasion étrangère (c'est l'exemple du Darfour) est différent. Ici, le conquérant étranger use évidemment de la violence. Mais il ne pourra établir son pouvoir bien longtemps s'il ne s'appuie que sur celle-ci.