Définition - Un paysage est une partie de l’espace qu’un observateur embrasse du regard en lui conférant une signification globale et un pouvoir sur ses émotions.
Michel Baridon - Télérama N° 3003-3004
Qu’est-ce qu’on n’a pas dit de ce démon juché sur le parapet d’une des tours de Notre-Dame de Paris et contemplant la ville à ses pieds ? Que Viollet-le-Duc suggérait que les forces du mal allaient triompher ? Ou bien qu’il avait ajouté ce diable dans un élan d’amour pour les fantasmagories médiévales ? Ou tout simplement qu’il s’était adjugé le pouvoir de marquer son passage dans la restauration de la cathédrale, comme ailleurs il s’était portraituré lui-même parmi les prophètes ou les rois de Judée ?
Voilà la réponse juste : : « Un paysage est une partie de l’espace qu’un observateur embrasse du regard ». Donc, un paysage n’est pas simplement un espace rempli d’objets ; pour faire un paysage, il faut en plus un point de vue sur lui. Pas de point de vue sans un observateur. Ce diable-observateur nous signifie donc que Paris est un paysage.
Mais il y a plus. Les cinéastes ont coutume dire que dans un plan de paysage, pour qu’il ait une consistance, il faut sur la ligne d’horizon une point saillant (colline, immeuble, tour, mirador…) susceptible de servir pour le contre-champ : comme chez Michel Tournier, la réalité est faite du croisement de plusieurs point de vue (1). Vous l’avez déjà compris : le contre-champ est suggéré par la Tour Eiffel, juste au milieu du cliché. Ce que voit le Diable, on pourrait le voir aussi en étant un observateur juché sur la Tour Eiffel, et Paris c’est ce paysage compris entre ce deux points de vue.
J’en connais qui ont assez mauvais esprit et qui vont dire que mon argument ne vaut rien parce que, quand Viollet-le-Duc a placé son Diablotin, la Tour Eiffel n’existait pas. Oui.
… et pourquoi croyez-vous qu’on l’a construite ? Hein ? (2)
(1) Voir Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique : l’île de Speranza où a échoué Robinson se désagrège peu à peu à ses yeux, parce qu’il n’y a personne d’autre pour contempler ses falaises et ses forêts. Voir aussi le commentaire qu’en fait Gilles Deleuze « Un monde sans autrui ». Et mon Post du 24 août 2006.
(2) Ceci n’est pas une plaisanterie : la Tour Eiffel a été conçue pour servir de plate-forme pour voir Paris du ciel. On n’avait pas Yann Arthus-Bertrand à l’époque.
- Et maintenant qu’on l’a, le Arthus-Bertrand, on peut la démolir, la Tour Eiffel ?
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