La première, que nous parlons devant des gens qui ont de la vanité, tout comme nous, et que la leur souffre à mesure que la nôtre se satisfait ;
La seconde, qu'il y a peu de vérités assez importantes pour qu'il vaille la peine de mortifier quelqu'un et le reprendre pour ne les avoir pas connues ;
Et enfin, que tout homme qui s'empare de toutes les conversations est un sot ou un homme qui seroit heureux de l'être.
Montesquieu - Mes pensées
Ça c’est le parfait manuel de savoir vivre et il n’y a pas de raison de croire que depuis le XVIIIème siècle les choses aient changé.
Je note d’abord que Montesquieu évoque l’art de la conversation et non celui du dialogue. La conversation est un mode de relation sociale qui fait de la parole un support de sociabilité et non l’occasion d’élaborer un savoir, comme ce serait le cas pour le dialogue. C’est la raison pour la quelle la vérité ne pèse pas lourd dans l’évaluation des réactions d’autrui.
Je note ensuite que Montesquieu nous invite à admettre que nos défauts sont aussi ceux des autres et qu’à ce titre nous devons les tolérer (1). Ça veut dire en particulier non pas, certes, que la vanité devient aimable simplement parce qu’elle est partout identique à la notre. Mais bien qu’on ne peut en faire l’économie, parce qu’elle est chez les autres aussi incurable que chez nous.
J’ai gardé - comme Montesquieu - le meilleur pour la fin : parmi les hommes qui ne sont pas des sots, il y en a qui aspirent à l’être. Ça c’est étonnant. En fait la situation est un peu particulière : il s’agit de celui qui monopolise la parole, sans doute parce que son avis est - à ses yeux - meilleur que tout autre. Peut-on dire qu’il aspire à être sot ? Non, pas tout à fait. Mais si la définition de la sottise est justement celle-là : « Sottise - Fait de prétendre tout savoir alors qu’on est aussi ignorant que les autres », lorsqu’on est heureux de faire croire qu’on sait tout, c’est qu’on est heureux aussi d’être ce que les autres nomment un sot.
Bref : tout dépend de ce qu’on appelle sottise. Nul doute que pour ces hommes, la sottise c’est de ne rien savoir. Comme Socrate.
(1) « Tolérance - Pardonnons-nous réciproquement nos sottises » disait Voltaire (Voir Post du 17 février 2006)
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