La beauté sera convulsive ou ne sera pas.
André Breton - Nadja
André Breton était spécialiste de ces prophéties que personne ne devait contester sous peine d’être « excommunié » du mouvement Surréaliste. Après tout, seul l’usage que nous prouvons en faire aujourd’hui peut nous dire si elles étaient fondées ou pas.
Dans Nadja (voir aussi Post du 10 avril 2006), Breton compare la beauté à une locomotive bondissant surplace à pleine vapeur et les freins serrés dans la gare de La Ciotat : « La beauté sera convulsive ou ne sera pas. »
La convulsion est celle de l’énergie concentré dans la création dont elle ne peut sortir. On pourrait dire aussi qu’elle est celle d’un orgasme qui serait toujours sur le point d’exploser.
Car la beauté pour les surréalistes est toujours liée à quelque puissance vécue. Plus question d’en faire une valeur idéale servant de référence pour évaluer une œuvre d’art. Pas question non plus de voir en elle un équilibre interne de l’œuvre, quelque chose qui en ferait comme un organisme parfaitement et harmonieusement autonome (voir Kant). Non, la beauté est ce qui passe entre le créateur et son œuvre, ou entre l’œuvre et le spectateur. La convulsion est dans l’œuvre parce que l’œuvre n’est pas séparable du geste créateur, ou pas séparable du regard du spectateur.
Alors, voilà une raison d’admirer les surréalistes, malgré leurs prétentions irritantes et leur snobisme parfois ridicule. Il ont été les premiers à faire du spectateur l’équivalent du créateur (1), reléguant du coup l’œuvre d’art au rôle de simple stimulant. Plus d’œuvres immortelles, faites pour éclairer les générations à venir. Voici venue l’ère des installations, fragiles structures destinées à disparaître avec la fin de leur exposition. Voici aussi venue l’ère des ready-mades, ces non-œuvres absolues, qui n’existent que pour prouver que l’œuvre d’art n’a pas à être immortalisée. Le même Duchamp est celui qui s’empare du chef d’œuvre immortel : la Joconde - pour lui dessiner des moustaches (cf. Post du 29 octobre 2006).
Concluons : il ne s’agit bien sûr pas de mettre le feu aux musées… Mais bien :
1 - de remarquer que le beauté convulsive résulte d’un certain regard sur les oeuvres d’art, et non de leur nature intime.
2 - Et d’ajouter que la violence de la beauté exclut qu’elle soit le simple plaisir devant une œuvre (plastique, musicale, peu importe), ce qui en ferait une œuvre kitsch et rien de plus.
(1) Ce qui ouvre une autre thématique que je n’explorerai pas aujourd’hui : celle de la nature du spectateur, et de son rôle dans l’œuvre.
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