Je crois que l'on devient ce que notre père nous a
enseigné dans les temps morts, quand il ne se souciait pas de nous éduquer. On
se forme sur des déchets de sagesse.
Umberto Eco – Le
Pendule de Foucault
On n'enseigne pas ce que l'on sait ou ce que l'on croit
savoir : on n'enseigne et on ne peut enseigner que ce que l'on est.
Jaurès – L'Esprit du
socialisme
Remarquons que la pensée d’Umberto Eco n’est pas une
absolue nouveauté : comme Jaurès disant « On n'enseigne pas ce que l'on sait … : on n'enseigne … que ce que l'on
est », il nous explique que l’enseignement (moral) relève de l’exemple
et non de la transmission de principes.
Ainsi, dire à un enfant « Tu ne dois pas
mentir », peut le faire bailler. Mais lui montrer comment on se débrouille
dans la vie courante quand on applique un tel principe, lui donner à voir
pourquoi le respect des valeurs est préférable à leur mépris : voilà qui
est important.
Il y aurait donc trois formes de savoir :
- le
savoir pur et simple (disons le savoir théorique)
- le
savoir-faire (disons le savoir pratique)
- et
puis l’aptitude à se comporter dignement avec à-propos en toutes circonstances
(disons : le savoir être).
Mais au lieu de renvoyer ce savoir-être à un trait inné,
lié à la personnalité, on pourrait le
considérer comme une qualité acquise, adossée au savoir. Ainsi la sagesse
est-elle définie comme cette aptitude à se bien comporter quelles que soient
les circonstances – aptitude qui a été acquise grâce à la science : on ne nait pas sage, on le devient.
Un exemple ? Voyez le médecin : que peut-on
attendre de lui ?
- Qu’il soit un praticien plein de science et qu’il sache
poser un diagnostic ? Oui, certes.
- Et puis qu’il soit compétent pour savoir choisir et
doser le traitement approprié ? Voire même qu’il soit capable de suturer
une plaie ou de réduire une fracture ? Certes.
- Mais qu’il soit capable de vous dire sans vous
désespérer que vous avez une maladie grave, et qu’il vous donne alors le
sentiment non seulement de compatir à votre état, mais encore d’être à vos
côtés pour lutter contre la maladie : voilà ce que ne saura jamais faire
celui que seul l’appât du gain aura poussé dans cette carrière et dont la
mallette du praticien siglée Vuitton enseignera à votre fils que la médecine sert
à se faire de gros revenus.
Simplement je ne dirai pas qu’il s’agit des déchets de la sagesse.
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