Ce serait beau, l’honnêteté d'un avocat qui demanderait la condamnation de son client.
Jules Renard
Le décès de Jacques Vergès a réanimé le débat :
comment, quand on est avocat, peut-on défendre les plus ignobles assassins sans
être complice de leur forfait ?
Maître Vergès, qu’on a surnommé « l’avocat du
Diable » pour avoir défendu des personnages aussi peu recommandables que
Klaus Barbie ou le terroriste Carlos, se faisait une gloire de prendre la
défense des pires dictateurs lorsque par malheur pour eux ils se
retrouvaient devant un juge.
C’est une occasion de nous interroger sur notre façon de
percevoir la justice. On ne s’étonne pas qu’un avocat se lève dans un prétoire
pour défendre un accusé qu’on croit être injustement incriminé : ça veut
dire que pour nous la parole de l’avocat exprime non seulement sa conviction
intime mais aussi la vérité des faits. L’avocat est alors, celui qui prend la
parole à la place de l’accusé pour dire, avec des phrases mieux construites et
plus intelligibles ce que son client aurait voulu dire. Entre l’avocat et son
client, la seule différence est dans la forme, pas dans le fonds –
c’est-à-dire : dans la pensée. Du temps des grecs, l’ancêtre de l’avocat
était le logographe, qui écrivait la plaidoirie que l’accusé lisait à
ses juges pour demander leur clémence.
Et c’est la même chose lorsque nous croyons que l’accusé
est coupable : l’avocat honnête
devrait demander la condamnation de son
client. Il ne peut donc – selon cette logique – le défendre qu’à condition
de mentir aux juges et de les étourdir avec des paroles fallacieuses. Faute de
disposer des faits (1), son royaume est la parole, sa force réside dans la
faiblesse de ses auditeurs.
Paradoxe : menteur et sophiste, l’avocat est
pourtant selon le droit un acteur indispensable du procès. Jacques Vergès
souriait quand on lui reprochait d’avoir défendu Klaus Barbie :
« tout accusé a droit à une défense » répondait-il. A charge pour nous
de dire comment on défend celui qu’on croit indéfendable ?
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(1) N’oublions pas que l’instruction à décharge est dévolue au juge d’instruction et
non, comme aux USA à l’avocat du prévenu.
1 comment:
oui, j'apprécie votre acticle sur cet avocat que j'admire , pour avoir eu loe coeur de défendre des gens indéfendables
à tout bientôt
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