Les gens exigent la liberté d'expression pour compenser
la liberté de pensée qu'ils préfèrent éviter.
Kierkegaard
Séquence souvenir :
du temps où j’étais prof de philo, il
m’arrivait de donner à mes élèves
ce sujet de réflexion :
Que vaut l’expression « Parler pour ne
rien dire » ?
Et bien sûr, c’est le « pour ne rien dire » qui faisait problème. Quant à moi,
tranquille, je les attendais au tournant avec cette pensée de Kierkegaard…
Car, en effet, Kierkegaard nous assène bien cette
vérité : nous parlons – parfois – pour éviter de penser. Et cela parce
que, comme le dit Platon, la « vraie » pensée est « un discours que l’âme se tient à elle-même » (1). La libre expression au contraire communique
la pensée au fur et à mesure qu’elle apparait, et, comme un enfant prématuré,
elle porte les stigmates de l’immaturité ; cette « pensée » est
une pensée sans contenu.
Oui, mais : si
c’est volontaire (« pour ne rien
dire »), alors il faut supposer que la pensée est vécue comme un exercice
dangereux, qui nous expose à des désagréments, raison pour laquelle Kant
estimait nécessaire de nous encourager fortement : Ose penser, disait-il (en latin : Sapere aude). Car la pensée est un long et parfois douloureux
processus, un peu comme un accouchement – d’ailleurs Socrate se disait « accoucheur
des âmes ».
Deux conséquences :
- S’exprimer est une
manière de se débarrasser de ce que nous disons. C’est une façon de passer à
autre chose, comme dans la cure psychanalytique. Pourquoi pas ?
- Ce que pointe
Kierkegaard c’est le ridicule rengorgement de celui qui est fier de dire son
opinion, comme si celle-ci avait en soi
un intérêt. On fait don de son opinion un peu comme le petit enfant qui apprend
la propreté fait don à sa maman du contenu de son pot de chambre.
-------------------------------------
(1) Théétète 263 e – Sur tout cela voir Post du 28 juin dernier
No comments:
Post a Comment