O toison, moutonnant jusque sur l'encolure! - O boucles! O parfum chargé de nonchaloir! - Extase! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure - Des souvenirs dormant dans cette chevelure, - Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir!
Charles Baudelaire
Cette chevelure était éclatante et profonde, douce comme
une fourrure, plus longue qu'une aile, souple, innombrable, animée, pleine de
chaleur.
Pierre Louÿs –
Aphrodite (1929)
De l’érotisme par
temps de canicule – II
Alors, après la méditation post-coïtum à propos du corps
féminin (hier), voici (aujourd’hui) la sieste derrière les volets mi-clos, quand
que le bourdonnement des cigales est seul à faire vibrer l’air surchauffé.
Votre compagne sommeille, alanguie à vos côtés, sa chevelure étalée sur
l’oreiller de dentelle. C’est là que vos rêveries érotico-métaphysique vous
reprennent : de quoi la chevelure des femmes est-elle faite ?
La chevelure féminine exerce un puissant attrait érotique
que les musulmans mettent en avant pour justifier l’obligation faite aux femmes
de porter le foulard qui la cache. Mais en quoi consiste cet attrait ?
Pour Baudelaire la chevelure est d’abord parfum : les
parfums de l’amour sont là, piégés dans ces cheveux qu’on agite pour en répandre
la fragrance. Parfums suffisant pour « peupler
l’alcôve obscure » ; mais qu’on peut aussi décrire analytiquement
comme s’il s’agissait du bouquet d’un grand vin (voir ici). La chevelure
féminine est ravissement olfactif.
Mais pour Pierre Louÿs la chevelure de la femme est
d’abord ce qu’on peut toucher, caresser ; ce dans quoi on peut enfouir son
visage… Bref, la chevelure est fourrure avant d’être parfum. Elle existe par
son éclat, par sa consistance, par sa masse mouvante comme la mer – qu’une
houle paisible la soulève ou qu’une tempête la projette furieusement sur les
rochers.
Qui donc aimerait une femme chauve ? (1)
…Vous ramenez votre regard sur votre amie étendue près de
vous. Vous l’imaginez dépourvue de cheveux : vous ramassez vos vêtements
et vous quittez la chambre sur la pointe des pieds.
------------------------------------------
(1) On se rappelle qu’à la Libération, l’humiliation
imposée aux femmes ayant couché avec des allemands était justement d’être
tondues.
Quand à la Cantatrice
de Ionesco, elle n’est chauve que pour permettre à la plaisanterie finale
(« A propos, la Cantatrice chauve, est-ce qu’elle se coiffe toujours de la
même façon ?)
No comments:
Post a Comment