Tuesday, August 20, 2013

Citation du 21 août 2013



On ne se débarrasse pas de l’ethnos, des communautés de mémoire. Il ne faut pas l’idolâtrer, mais il faut faire avec. Le demos, la communauté de conviction, ne suffit pas.      
Régis Debray, philosophe – Causeur, 12 mars 2009
Qu’est-ce qui réunit les  hommes ? La communauté de mémoire ou la communauté de conviction ?
La communauté de mémoire met en jeu l’histoire qui a fait le peuple, c’est-à-dire non pas l’histoire réelle – l’histoire scientifique – mais le récit, transmis par la tradition et généralement héroïsé- de ces d’évènements (tels que des victoires sur un « ennemi héréditaire ») autour des quels ce peuple a fait son unité. Cette mémoire du passé est évidemment réinterprétée au fur et à mesure que le temps s’écoule en fonction d’un contexte devenu radicalement différent. Ainsi, pour certains musulmans, sommes-nous toujours des croisés et pour certains antillais nous sommes toujours les maîtres honnis des esclaves qu’ils pensent être encore.
La communauté de conviction implique quant à elle une certitude commune quant à ce qui fait l’essence de ce peuple qui va, grâce à elle, porter  un regard commun sur l’avenir avec la certitude que son projet est le seul qui soit digne de ce peuple-là.
--> La critique des effets de la communauté de mémoire a été faite par Paul Valéry en des termes définitifs que je reproduis sans commentaire :
"L'Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines. L'Histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout et donne des exemples de tout. " (Paul Valéry, Regards sur le monde actuel et autres essais.)
- Quant à la communauté de conviction, il suffit de se reporter à la sombre histoire du maoïsme : les méfaits du Grand bond en avant n’ont été possibles que par la conviction qu’un peuple engagé dans la révolution prolétarienne est capable de se rénover et de réaliser des miracles, tels que fabriquer de l’acier avec des vieilles casseroles ou de contraindre la terre à produire deux fois plus de riz que jamais auparavant.
… Bon – Reste que : on ne peut faire ni sans l’une, ni sans l’autre.

No comments: