On ne se débarrasse pas de l’ethnos, des communautés de mémoire. Il ne faut pas l’idolâtrer,
mais il faut faire avec. Le demos, la
communauté de conviction, ne suffit pas.
Régis Debray,
philosophe – Causeur, 12 mars 2009
Qu’est-ce qui réunit les
hommes ? La communauté de mémoire ou la communauté de
conviction ?
La communauté de
mémoire met en jeu l’histoire qui a fait le peuple, c’est-à-dire non pas
l’histoire réelle – l’histoire scientifique – mais le récit, transmis par la
tradition et généralement héroïsé- de ces d’évènements (tels que des victoires sur un
« ennemi héréditaire ») autour des quels ce peuple a fait son unité. Cette mémoire du passé est évidemment réinterprétée
au fur et à mesure que le temps s’écoule en fonction d’un contexte devenu
radicalement différent. Ainsi, pour certains musulmans, sommes-nous toujours
des croisés et pour certains antillais nous sommes toujours les maîtres honnis des
esclaves qu’ils pensent être encore.
La communauté de
conviction implique quant à elle une certitude commune quant à ce qui fait
l’essence de ce peuple qui va, grâce à elle, porter un regard commun sur l’avenir avec la
certitude que son projet est le seul qui soit digne de ce peuple-là.
--> La critique des effets de la communauté de mémoire
a été faite par Paul Valéry en des termes définitifs que je reproduis sans
commentaire :
"L'Histoire
est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré. Ses
propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur
engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles
plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à
celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables
et vaines. L'Histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne rigoureusement
rien, car elle contient tout et donne des exemples de tout. " (Paul Valéry,
Regards sur le monde actuel et autres essais.)
- Quant à la communauté de conviction, il suffit de se
reporter à la sombre histoire du maoïsme : les méfaits du Grand bond en avant n’ont été possibles
que par la conviction qu’un peuple engagé dans la révolution prolétarienne est
capable de se rénover et de réaliser des miracles, tels que fabriquer de
l’acier avec des vieilles casseroles ou de contraindre la terre à produire deux
fois plus de riz que jamais auparavant.
… Bon – Reste que : on ne peut faire ni sans l’une,
ni sans l’autre.
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