Citation du 10 janvier 2015

La lucidité, c’est atroce et merveilleux à la fois. Je vois immédiatement la faille et ça m’empêche de m’évader dans un rêve.

Brigitte Bardot – Interview de Paris Match du 6 juillet 1984

Eloge de la lucidité II

Voyez cette citation : si je vous avais dit : « voilà une citation d’Oscar Wilde » n’auriez-vous pas applaudi en criant au génie ? Oui, mais c’est Brigitte Bardot qui l’a prononcée : Pfffffuittt !

On est très injuste avec Brigitte Bardot : on ne veut retenir d’elle que la pin-up qu’elle fut, ou bien la personne aigrie qui cultive des amitiés extrême-droitières qu’on exècre – encore une chance quand on ne l’impute pas à son cerveau de bimbo !

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Il faut voir la faille pour ne pas s’évader dans le rêve.

- La faille ? Quelle faille ?

Eh bien il s’agit de tout ce qui, dans l’ombre de notre bonheur, tisse notre malheur. C’est l’avenir, et c’est, dans l’avenir, l’évènement fatal qui va se produire, (à moins qu’il se soit déjà produit à notre insu) ; ou bien seulement ce compte à rebours qui fait qu’on ne peut espérer jouir vraiment du bonheur – sauf en rêve justement.

- « le rêve » ? Quel rêve ?

On le voit, le rêve est celui d’un avenir entièrement blanc-bleu, qui nous assure un bonheur permanent. En termes plus philosophiques, c’est le rêve d’un monde dont les lois seraient conformes à nos besoins et à nos désirs (Kant).

Maintenant, pourquoi ne faudrait-il pas s’évader dans le rêve ? Mis à part que cela nous désadapte de la réalité et que du coup nous risquons d’être marginalisés, est-ce qu’un bonheur rêvé n’est pas supérieur à un malheur lucide ?

Voilà la question : Brigitte Bardot a choisi son camp : c’est celui de la lucidité – ferez-vous le même choix ?

Peut-être pas ? Admettons – Alors de quoi allez vous rêver pour être heureux ? Que vous êtes un grand compositeur ou un pianiste de génie ? Un chanteur à succès ? Un médecin de brousse ?

J’ai cherché sur Wiki une image du bonheur, et j’ai trouvé celle-ci

Carl von Bergen – Fillette avec une assiette

Oui, cette fillette est heureuse : son assiette est vide certes, mais son estomac est plein et c’est lui qui commande ce sourire de satisfaction, un peu comme le nourrisson qui vient de téter à satiété sourit « aux anges ».

Le rêve de bonheur est donc régressif ; par contre la lucidité accompagne le développement de l’être humain.

Elle a raison Brigitte.