Tuesday, January 13, 2015

Citation du 14 janvier 2015

L'instabilité, dirait un chimiste, a deux formes: la fragilité et l'explosibilité.
Alfred Jarry – Critiques de théâtre, Joujou
Une société peut-elle se comparer à un mélange chimique ? Certes, c’est un peu simpliste pour illustrer une telle complexité – mais enfin, pourquoi pas ?
Je comprends donc que, quand les composants d’une société sont mal intégrés les uns aux autres, un peu comme dans une émulsion, ceux-ci ont tendance à se séparer et à se stabiliser en strates compartimentées.
Mais il peut se faire nous dit Jarry, que cette instabilité donne lieu à une explosion : là, on le sent, la comparaison avec nos quartiers de banlieues est immédiate. Il ne s’agit pas de cette étincelle qui s’amorce entre des pôles électriques qui se rapprochent, mais plutôt de ce qui arrive quand ils s’éloignent l’un de l’autre. On pensera d’ailleurs moins à l’étincelle électrique qu’à l’interaction faible qui fait tout péter dans l’atome lorsque les particules se divisent (1)
- Bien sûr, mais enfin, c’est déjà bien connu : comment aller un peu plus loin ? Eh bien, on pourrait se demander si l’échec de nos tentatives pour stabiliser le mélange ne résulte pas d’une volonté de l’éviter ? Voulons-nous vraiment nous mélanger ?

Reprenons la métaphore de Jarry : que se passe-t-il quand le mélange est stable ?
Tout simplement cela donne lieu à une nouveauté qui ne se délite pas ; une nouveauté qui ne se décompose pas. Prenez du bleu et du jaune : vous aurez du vert, et vous ne retrouverez plus jamais le bleu ni le jaune originels. C’est cela qui fait horreur à nos traditionalistes zemmouriens: ce qu’ils veulent retrouver, c’est la France de Saint-Louis, et rien d’autre.
Ceux-là auraient volontiers une autre métaphore : celle des esclave du Brésil qui mélangeaient une poignée de farine (blanche) à une calebasse de grains de cafés (noirs) : le blanc disparaissait intégralement dans le mélange. Bon, il faudrait inverser les couleurs, mais on a déjà compris – Dire stop à l’immigration, c’est uniquement ça : refuser de se mélanger.
Et ça s'appelle l'apartheid (2).
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(1) Il est vrai que la métaphore boite un peu dans la mesure où l’on nous dit que la désintégration résulte de l’échange de boson… Pour les esprits curieux, lire ici.
(2) En Afrique du Sud, l'apartheid fut  le « résultat de l'anxiété historique des Afrikaners obsédés par leur peur d'être engloutis par la masse des peuples noirs environnants » (Art. Wiki Apartheid - Ici)


2 comments:

FRANKIE PAIN said...

mon très cher jean pierre , votre citation du jour me fait du bien . je suis dans le contre coup et sensible à l'anxiété qui monte chez les gens et le cerveau reptilien de ma petite chose d'être me prend en traite ce matin et bien empoigné.
les rêves de la nuit ont revelé des pans de réalité du sociale que nous traversons et des métaphores à ne pas faire dans la raison mais que l'insconcient ne se prive pas.
et vous lire dans cette citation est salutaire pour une femme certes éclairée mais tellement isolée que la batterie c'est dechargée malgré elle alors , l'ami jean pierre pense pour les gens qui ont besoin de nourriture
de la qalité de la complexité de l'évenement
je vous embrasse jean pierre merci

Jean-Pierre Hamel said...

C’est vrai que les terroristes cherchent à terroriser, et que Paris est une ville où on se sent plus exposé qu’ailleurs. Mais de toute façon la vie moderne est forte consommatrice d’émotions, et beaucoup de philosophes s’emploient à désamorcer le processus. Les psys aussi d’ailleurs. Cerveau reptilien dites vous ? Oui, et l’hippocampe aussi. Quel bestiaire !
Je vous embrasse chère Frankie