Une victoire n'est jamais acquise avant la fin de la
bataille (...) la notion de succès ne peut s'apprécier qu'après la fin du
conflit...
Clausewitz
– De la guerre (1831)
Commentaire II
La
notion de succès ne peut s'apprécier qu'après la fin du conflit...
Voilà une affirmation comme je les aimes : bien évidente et tout de même,
un peu troublante.
Parce qu’on comprend qu’il y a non pas un, mais deux succès :
- le succès enregistré dans les faits
eu égard aux objectifs de la lutte ;
- le succès qui s’enregistre,
éventuellement peu à peu, en rapport avec un projet plus général.
On pense évidemment à ces victoires qu’on paye trop chères :
les victoires à la Pyrrhus. Mais c’est aussi le cas dans tous les conflits qui opposent
des grandes puissances militaires à des guérilleros, à des djihadistes, etc. Il
est – supposons-le – relativement facile de les réduire à disparaître du
théâtre des combats et à se terrer dans les grottes ou des villages. Par
contre, si l’objectif est de ramener la paix et d’amener la démocratie, là, ça
se complique sérieusement.
Certains en profitent pour transformer un malheur en chance :
« Oui, on s’est aimé et maintenant je te quitte. Mais songe que c’est
peut-être une chance pour toi ; tu vas pouvoir prendre un nouveau
départ ; et si ça se trouve tu vas faire une belle rencontre demain
etc…. »
Mais c’est plus original de penser cela du succès, car on ne
prend acte que de la réussite et on balaie les nouveaux doutes qui apparaissent
derrière. Le succès a ceci de particulier de donner ce coup de balai – comme
disent les sportifs après la victoire : « On savoure ! »
Oui, pourquoi pas ? Mais en même temps, si chaque étape de notre existence
est fermeture d’une séquence, elle est aussi ouverture d’une autre. Le
travailleur qui prend sa retraite en est bien conscient. Mais le jeune homme
qui réussit un concours pour une grande école devrait l’être également :
« Est-ce réellement une chance ? Admettons que grâce à ça je passe 3
ans sans dessaouler (sic). N’empêche qu’après, il va falloir valoriser mon
diplôme… »
Et si le conflit dont parle Clausewitz représentait
métaphoriquement la vie ? Si chaque étape de celle-était solidaire de
toutes les autres ? Alors il faudrait pour en évaluer le succès ou l’échec
attendre d’arriver au terme de notre existence et prendre celle-ci dans sa
totalité.
Certes. Mais ne vaudrait-il pas mieux, avant d’en arriver
là, songer que cette étape que je suis entrain de vivre participe de la
construction de mon existence – construction commencée le jour de ma naissance
et qui doit être soutenu jusqu’à ma mort.
C’est ce que dit Bergson.
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