Shakespeare – Vénus et
Adonis (CXX)
Délaissant le mythe classique, Shakespeare fait d’Adonis un très beau et très pur jeune homme qui reste chaste alors que Vénus multiplie les assauts pour le séduire pendant une nuit … torride ! Lassé d’un tel combat, Adonis s’excuse : « Je suis attendu par mes amis… Voilà qu'il fait obscur, et je tomberai en m'en allant. » On le voit : le prétexte est un peu gros, et du coup le bel Adonis se fait ramasser : « Le désir ne voit jamais mieux que la nuit. » répond sa divine amoureuse
Oui, le désir voit clair la nuit, parce que pour voir
l’objet désiré il faut utiliser les yeux… du cœur ! Comment mieux
signifier que la réalité n’est jamais l’objet réel du désir, et qu’il faut lui réserver le rôle de simple support
pour le fantasme ? Et c’est un estompant les contours du réel que celui-ci
devient un support convenable pour l’imagination.
- Imaginez une situation de drague en boite, quand sur le
coup des 2 heures du matin, un couple est enlacé comme dans la chanson de Léo Ferré : ils n’y voient plus rien, à cette heure-là, la piste est
enténébrée ; ils ont déjà bien au-delà des 0,5gr d’alcool ; mais ils
ont des yeux au bout des doigts, au bout des lèvres, au bout du corps. Oui – mais
ne vous y trompez pas : il ne s’agit pas seulement d’hormones, il s’agit aussi
de sensations d’ordre purement psychique. Quand bien même ce couple se séparait
en quittant la piste, chacun aurait une image précise et tenace de l’être qu’il
a enlacé, qu’il a désiré.
Alors, oui : après la nuit, le jour. Après les
effusions nocturnes, le corps effondré dans sommeil au petit jour… Rappelez-vous :
le beau marin qui au petit matin quitte sa belle amante ne lui laissant que la
trace de son parfum… (1)
La nuit, le désir voit avec les mains ; le jour ce n’est
plus qu’avec les parfums.
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(1) Le Mâle – Eau
de toilette signée Jean-Paul Gaultier. Un classique de la pub ! (Voir ici).
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