Jean-Claude Carrière –
Fragilité (2006)
Si on écartait le début de cette citation, on croirait lire
une phrase de Nietzsche : notre
fragilité nous rapproche les uns des autres, alors que la force nous éloigne.
Le surhomme, si jamais il lui arrivait d’en rencontrer d’autres, ne ferait pas
société avec eux: ils s’associeraient peut-être en bandes pour des chevauchées
prédatrices, comme durant la Guerre de 100 ans, mais c’est tout.
- Pour Nietzsche, notre société résulte de la révolte des esclaves
qui jusque là avaient été dominés par les maitres : ils se sont unis et
ils ont réussi à se soustraire à leur tyrannie. Mais devenus
les plus forts, ils restent néanmoins dans leur être intime toujours des
esclaves, tant il est vrai qu’il existe deux forces qualitativement
distinctes : la force active des
maitres, et la force réactive des
esclaves.,
- Seulement voilà : Jean-Claude Carrière écrit
bien : Nous devons préserver notre
fragilité, parce que sans ça, nous ne pourrons jamais vivre les uns avec
les autres.
Manifestement il y a une différence entre Nietzsche et J-C
Carrière : et elle réside dans l’évaluation de la force. Pour Nietzsche ce
qui compte dans la force, c’est qu’elle soit une émanation de l’être, qu’elle
en exprime l’essence ; celui qui ne peut extérioriser sa force – qu’elle
qu’en soient les conséquences – est perdu ; la « force » de
l’esclave n’existe que par réaction (haine, ressentiment) vis-à-vis de
l’oppression que leurs font subir les maitres.
Par contre, on devine que pour Jean-Claude Carrière, ce qui
importe, c’est la conséquence : qu’importe la jouissance de sentir sa
force rayonner, si c’est au prix de la solitude et du renoncement au
« vivre-ensemble » ?
… « Vivre-ensemble » : voilà une formule
qu’on entend souvent en ce moment, avec une nuance assez forte d’idéal. Nous
a-t-on expliqué que pour atteindre le « vivre-ensemble » il fallait renoncer
à la force ?
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