Paul Bourget
Ce qui tuera l'ancienne société, ce ne sera ni la
philosophie, ni la science. Elle ne périra pas par les grandes et nobles
attaques de la pensée, mais tout bonnement par le bas poison, le sublimé
corrosif de l'esprit français : la blague.
Edmond et Jules de
Goncourt – Journal 30 juin 1868 (cité le 3-2-12)
J’avais développé il y a déjà 3 ans cette citation des
Goncourt : pour eux, comme pour Flaubert – et donc comme pour Paul Bourget
– la blague est cette vacuité qui détruit les valeurs les plus sacrées en
faisant croire qu’elle ne valent pas plus … qu’une blague. Tout devient
n’importe quoi.
Que le drame de Charlie Hebdo soit advenu pour des
caricatures du Prophète dans un journal satirique, cela donne à penser.
Certes, la satire a un but : elle veut corriger
l’erreur ; son bras est armé d’un fouet. Mais combien il est facile de la
confondre avec la blague ! Les dessinateurs (survivants) de Charlie sont comme
ça : ils nous expliquent qu’avec ces caricatures, il s’agissait de faire
quelque chose d’un peu drôle, que sinon ça n’en valait pas la peine. Est-ce que
tout ça vaut une rafale de kalachnikov ?
Seulement voilà : en matière de blasphème, il y a
des gens qui n’ont vraiment pas le sens de l’humour. Ils disent : un
blasphème est un blasphème, il vise – exactement comme le déni nihiliste – à
détruire le sacré, ou du moins à offenser Dieu (1).
On dit : pourquoi ces fondamentalistes ne répliquent-ils
pas avec les mêmes armes que les gens de Charlie ? Pourquoi n’ont-ils pas
publié des dessins, des textes, ridiculisant ces blasphémateurs ?
C’est que pour faire ça, il faut se contenter de nier –
ou de corriger – symboliquement. Là est la différence : pour les Islamistes,
tout doit être réel : le blasphème est réel ; la kalachnikov aussi est
réelle.
Charlie, fais attention – et réfléchis un peu avant de
rigoler : On ne court jamais aussi
vite qu’une balle de kalach’ ! (2)
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(1) J’ai expliqué ici que je finissais par croire que la
Blasphème était une formule magique, qu’il suffisait de le prononcer – et peu
importe l’intention – pour qu’instantanément il soit constitué.
(2) Rappelez-vous : c’est ce que disait Amin Dada.
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