Ce n'est pas la passion qui détruit l'œuvre d'art, c'est la volonté de prouver.
André Malraux
De quoi parle-t-on ici ? Je ne crois pas qu’il s’agisse de la création de l’œuvre, et donc pas de l’artiste, mais bien plutôt du critique et de son discours sur l’œuvre d’art. Le critique d’art est un spectateur d’un genre un peu particulier dès lors qu’on comprend son discours comme référence normative.
Il y a alors deux façons d’envisager la critique : soit comme aboutissement d’une sensibilité particulière à l’art : ce que Malraux nomme la « passion ». Soit comme discours informé, doté de références académiques et scientifique. La passion appelle la passion, et le critique d’art s’expose au débat. En revanche, le discours rationnel réduit au silence par l’autorité de la preuve.
Malraux pointe ici une caractéristique essentielle de l’œuvre d’art : dans toute œuvre d’art il y a ouverture, dialogue entre l’œuvre et le spectateur ; si vous le détruisez, vous niez l’œuvre, parce que vous bloquez l’échange entre celle-ci et le spectateur. Si vous prétendez à la certitude scientifique, vous contraignez votre interlocuteur, s’il n’était pas d’accord avec vous, à se taire.
Voyez la Joconde : pourquoi est-elle le symbole de l’œuvre d’art par excellence ? Parce qu’aucun discours ne peut la contenir toute entière. Supposez un instant que les études sur l’histoire de l’art, sur le vie de Léonard, sur la personnalité de Mona Lisa aient fini par exprimer la totalité du sens de l’œuvre. Alors on pourrait le jeter au feu, on n’y perdrait rien puisque tout son sens aurait été recueilli dans des livres. C’est là ce qu’on appelle être iconoclaste. Par contre, voyez ce que Duchamp fait à la Joconde :
Iconoclaste ? Pas du tout : si je maudis la Joconde et si je détourne son image, si je la souille de graffitis, je produis encore un sens qu’elle m’a inspiré, je ne la détruis donc pas. (1)
(1) La différence de couleur entre ces deux œuvres résulte du fait que Duchamp à détourné non pas le Joconde elle-même, mais une carte postale la représentant. Si vous voulez taguer la vraie Joconde, celle du Louvre, ça reste à faire.
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