Il y a dans notre Europe une nation célèbre par son
équité et par sa valeur qui ne paye aucune taxe : c'est le peuple helvétien.
[…]
Ainsi, monsieur, les Suisses ne sont pas de droit divin
dépouillés de la moitié de leurs biens; et celui qui possède quatre vaches n'en
donne pas deux à l'Etat ? […]
Ah! qu'on me fasse Suisse! Le maudit impôt que l'impôt
unique et inique qui m'a réduit à demander l'aumône !
Voltaire – L’homme
aux 40 écus (1768) [Entretien avec un géomètre]
En France, pays où l’actualité est en sommeil, on n’a trouvé pour
s’exciter un peu que le cas de Gérard Depardieu, qui s’est fait Russe pour
échapper à l’impôt. Et chacun de le couvrir de le honte et de crachats, et
d’oublier des précédents illustres (et combien sympathiques !) comme le
billet de 500 francs brûlé en public par Serge Gainsbourg en 1984 pour
protester contre l’imposition (à l’époque elle n’était que de 50%...)
Ayant lu dans la presse que l’impôt sur les gros revenus
était un exemple d’iniquité, et que contre cette injustice fiscale, seule
l’expatriation pouvait apporter un remède, je me suis plongé dans ma
bibliothèque pour trouver des références historiques, et j’en ai sorti un vieil
exemplaire de l’Homme aux 40 écus de
Voltaire (1).
Dans ce pamphlet un homme qui possède de la terre est
réduit à la mendicité en raison de l’excès d’impôt prélevé par l’Etat. Pourtant
ainsi que le montre un géomètre, si l’on divisait la surface cultivable de la
France par le nombre de ses habitants (20 millions), chacun tirerait de ce lopin de terre 40 écus par
an pour vivre ce qui sans le rendre riche, devrait lui permettre de vivre
décemment.
Le malheur est que les plus riches, ceux qui tirent leurs
ressources des taxes prélevées sur le peuple ou qui vivent de l’industrie et du
commerce ne sont pas eux-mêmes taxés, parce que seule la terre peut l’être. Le paysans
qui travaille doit non seulement nourrir le seigneur du lieu, mais encore le
curé et l’évêque, et puis encore l’Etat (2), qui va lui pomper toutes ses
ressources et le jeter en prison quand il sera défaillant. Cet impôt prélevé
uniquement sur la terre est ce que l’Homme aux 40 écus dénonce comme impôt unique
Vous l’avez deviné en lisant les extraits cités ici, le
pays exemplaire en matière d’impôt est la Suisse,
pays où l’impôt est fort réduit et où tout un chacun acquitte la taxe. On lira
les idées développées par Voltaire pour accréditer cet exemple. Mais qu’on
comprenne bien que le seul impôt juste est celui qu’on ne nous réclame pas.
On rétorquera que l’impôt – du moins celui dont on parle
aujourd’hui – n’est pas seulement destiné à nourrir l’Etat, mais qu’il permet
aussi de redistribuer les ressources en direction de ceux qui n’ont rien.
Et il est vrai que Voltaire avec sa fiction de la terre
répartie à égalité entre les citoyens contourne le problème de la redistribution.
Mais qu’on ne l’oublie pas : s’il eut une grosse fortune, Voltaire ne
manqua pas d’en faire profiter ses concitoyens de Ferney. (Vu ici)
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(1) Ceux qui ne l’auraient pas à disposition n’ont qu’à
le télécharger ici.
Pour une brève analyse, voir ici
(2) L’Etat, nommé par Voltaire « la puissance législatrice et exécutrice »
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