II faut que, loin de m'oublier, / Il m'écrive avec allégresse, / Ou sur le dos
de son greffier, / Ou sur le cul de sa
maîtresse. / Ah ! Datez du cul de Manon ; / C’est de là qu’il faut
m’écrire ; / C’est le vrai trépied d’Apollon, / Plein du beau feu qui vous inspire. /
Ecrivez donc en vers badins ; / Mais, en commençant votre épître, / La
plume échappe de vos mains, / Et vous f… votre pupitre.
Voltaire – Lettre àM. De Cideville - 20 septembre 1735.
Dans le courrier de Voltaire, le cul de Manon est un support, qui se présente comme
alternative au dos du greffier ; il est simplement ce qu’on a « sous
la main » quand le besoin d’écrire se fait sentir.
Quoi de plus banal ? Quand on a besoin d’écrire, on
prend effectivement ce qu’on trouve, ou le dos d’un ami, ou le cul de sa
maitresse, comme le confirme ce plan des Liaisons
dangereuses filmé par Stephen Frears.
John Malkovich et Laura Benson dans les Liaisons dangereuses,
Seulement, Voltaire faisant mine de s’emballer au point de ne pouvoir contrôler sa plume, va jusqu’au bout de l’image : voilà que l’écritoire redevient un cul : sa fonction érotique va pouvoir se déployer à nouveau – entravant du coup la rédaction de la lettre….
Seulement, Voltaire faisant mine de s’emballer au point de ne pouvoir contrôler sa plume, va jusqu’au bout de l’image : voilà que l’écritoire redevient un cul : sa fonction érotique va pouvoir se déployer à nouveau – entravant du coup la rédaction de la lettre….
Quant à nous, maitrisant un peu mieux la situation, nous
demanderons quel courrier une telle situation peut bien inspirer ?
Dans le film de Frears, ce courrier est – si je me
rappelle bien – l’occasion d’une machination destinés à séduire une innocente
jeune fille, quitte à la détruire de chagrin – qu’importe du moment que le
libertin y trouve une occasion pour son plaisir : les malheurs infligés à
ceux qui en sont victimes comptent pour peu de chose.
Mais revenons à Voltaire : selon lui, l’écriture serait
inspirée par le lieu d’où l’on écrit. Que l’on écrive du Cul de Manon, et voici des pensées allègres et bouillantes qui se répandent
par la plume. Ecrivons à plat ventre sur la mousse des bois, et voici que naissent
des poèmes pleins de clochettes parfumées et de petits lapins. Ecrivons, comme Sartre,
depuis le café de Flore : et voici des propos pleins de la vie des hommes
du boulevard et des femmes parfumées qui hantent ces lieux.
Je ne multiplierai pas oiseusement cette
énumération : on a compris que ceux qui veulent écrire depuis leur bureau,
volets tirés et lumière électrique allumée toute la journée sont des gens dont
l’écriture risque de sentir le renfermé
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