Mon cerveau n'est jamais bien sain / Si beaucoup de vin ne l'abreuve.
Ronsard – A son page (Second livres des Ode IX – 1550)
Nous voici au creux de l’hiver de ses nuits glacées
et de ses jours crépusculaires…
Vite, ressortez les Odes de Ronsard, faites
venir Jeanne avec son luth et puis Fanchon à la chevelure torse, et le page
avec la bouteille de vin…
Qu’est-ce qu’un cerveau que le vin n’abreuve ?
Selon Ronsard, c’est un cerveau précautionneux, qui
suit à la lettre les consignes médicales. Et puis c’est le cerveau d’un homme qui
ne sait pas danser au son du luth avec de gentilles damoiselles. Mais
par-dessus tout, c’est un cerveau qui est sec, c’est-à-dire sans jouissance.
Quel est donc l’effet du vin sur le cerveau pour
que celui-ci soit en mesure de nous faire profiter – nous les « porteurs
de cerveau » – de la joie et du bonheur de vivre ?
Le vin nous assure de jouir d’un cerveau sain, c’est-à-dire d’un cerveau
qui n’est pas rongé par le doute ni par l’anxiété. Et voici comment :
Je ne vis point au lendemain nous dit Ronsard. Nous vivons d’oublier que le
jour passe et que demain viendra bientôt. Le bonheur, s’il est quelque part,
est dans l’instant présent, et c’est à cela que sert le vin : faire
oublier le temps qui passe, en déconnectant les centres de la vigilance de
notre cerveau.
Alors, certes, si
l’homme sous l’empire du vin est un homme heureux, il est aussi un homme
vulnérable. On pourrait même dire que c’est là la rançon du bonheur :
qu’on se rappelle de Capoue, et de ses
délices
par les quels l’armée d’Hannibal perdit le goût du combat.
D’ailleurs, on
pourrait généraliser. L’homme heureux, qu’il ait bu du vin ou non, est un homme
qui a abandonné sa méfiance, qui a retiré ses bottes et mis au râtelier son
fusil d’assaut. C’est un homme qui pour être pleinement disponible au présent,
oublie les menaces de l’avenir – même proche.
On sait que le bonheur suppose que la jouissance soit vécue sans limite dans le temps. Comme on ne peut avoir la maitrise totale de l’avenir, le mieux alors est d’oublier que le présent n’aura qu’un temps, et de ne voir le temps qui passe que par le niveau du vin dans la bouteille.
On sait que le bonheur suppose que la jouissance soit vécue sans limite dans le temps. Comme on ne peut avoir la maitrise totale de l’avenir, le mieux alors est d’oublier que le présent n’aura qu’un temps, et de ne voir le temps qui passe que par le niveau du vin dans la bouteille.
Et que le tonneau ne soit jamais très loin.
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