Saturday, January 19, 2013

Citation du 20 janvier 2013


Mon cerveau n'est jamais bien sain  / Si beaucoup de vin ne l'abreuve.
Ronsard – A son page (Second livres des Ode IX – 1550)
Nous voici au creux de l’hiver de ses nuits glacées et de ses jours crépusculaires…
Vite, ressortez les Odes de Ronsard, faites venir Jeanne avec son luth et puis Fanchon à la chevelure torse, et le page avec la bouteille de vin…

Qu’est-ce qu’un cerveau que le vin n’abreuve ?
Selon Ronsard, c’est un cerveau précautionneux, qui suit à la lettre les consignes médicales. Et puis c’est le cerveau d’un homme qui ne sait pas danser au son du luth avec de gentilles damoiselles. Mais par-dessus tout, c’est un cerveau qui est sec, c’est-à-dire sans jouissance.
Quel est donc l’effet du vin sur le cerveau pour que celui-ci soit en mesure de nous faire profiter – nous les « porteurs de cerveau » – de la joie et du bonheur de vivre ?
Le vin nous assure de jouir d’un cerveau sain, c’est-à-dire d’un cerveau qui n’est pas rongé par le doute ni par l’anxiété. Et voici comment :
Je ne vis point au lendemain nous dit Ronsard. Nous vivons d’oublier que le jour passe et que demain viendra bientôt. Le bonheur, s’il est quelque part, est dans l’instant présent, et c’est à cela que sert le vin : faire oublier le temps qui passe, en déconnectant les centres de la vigilance de notre cerveau.
Alors, certes, si l’homme sous l’empire du vin est un homme heureux, il est aussi un homme vulnérable. On pourrait même dire que c’est là la rançon du bonheur : qu’on se rappelle de Capoue, et de ses  délices par les quels l’armée d’Hannibal perdit le goût du combat.
D’ailleurs, on pourrait généraliser. L’homme heureux, qu’il ait bu du vin ou non, est un homme qui a abandonné sa méfiance, qui a retiré ses bottes et mis au râtelier son fusil d’assaut. C’est un homme qui pour être pleinement disponible au présent, oublie les menaces de l’avenir – même proche.
On sait que le bonheur suppose que la jouissance soit vécue sans limite dans le temps. Comme on ne peut avoir la maitrise totale de l’avenir, le mieux alors est d’oublier que le présent n’aura qu’un temps, et de ne voir le temps qui passe que par le niveau du vin dans la bouteille.
Et que le tonneau ne soit jamais très loin.

No comments: