(…) comme si toute cette interminable chevauchée nocturne
n'avait eu d'autre raison, d'autre but que la découverte à la fin de cette
chair diaphane modelée dans l'épaisseur de la nuit : non pas une femme, mais
l'idée même, le symbole de toute femme.
Claude
Simon – La route des Flandres (Citation complète en annexe)
Ainsi il existe un symbole
de toute femme ? Et ce n’est pas une généralité tellement vague qu’elle
n’aurait aucun intérêt ? Il faut alors que ce symbole soit la quintessence
de la femme, ce que toute femme porte en elle comme sa véritable nature,
tellement profonde et tellement essentielle qu’on ne pourrait l’approcher qu’en
des circonstances particulières. Comme la quintessence des alchimistes
d’autrefois, cette ultime essence serait composée des autres éléments qui
composent la femme et c’est en ce sens qu’elle serait l'idée même, le symbole de toute femme.
Mais alors, cette quintessence, en quoi
consiste-telle ? Est-elle une psychè
particulière ? Ou alors un corps qui contiendrait le secret de la
féminité ? Ou, plus modestement, une fonction particulière de la femme dans
la société – voire auprès de l’homme ?
Rien de tout cela, mais
peut-être aussi tout cela en même temps. Selon Claude Simon, le symbole
de la Femme, ce qui la révèle quelle qu’elle soit en tant que femme, c’est une chair diaphane, dont la peau est
« source de lumière »,
« une chose tiède et blanche »
comme le lait. L’idée même de toute femme est donc un corps, lumineux et d’une
blancheur lactée, qu’on pourrait prendre pour un corps astral.
Oui, c’est ça : la Femme qui est en même temps toutes
les femmes est constituée d’un corps astral, mais qui, au lieu de se séparer du
corps physique, prendrait un sceau et irait traire les vaches.
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Annexe.
La sentir, la percevoir comme une sorte d'empreinte
persistante, irréelle, laissée sur sa rétine (il l'avait si peu, si mal vue)
que, pour ainsi dire, en lui-même : une chose tiède, blanche comme le lait
qu'elle venait de tirer au moment où ils étaient arrivés, une sorte d'apparition
non pas éclairée par cette lampe mais luminescente, comme si sa peau était
elle-même la source de la lumière, comme si toute cette interminable chevauchée
nocturne n'avait eu d'autre raison, d'autre but que la découverte à la fin de
cette chair diaphane modelée dans l'épaisseur de la nuit : non pas une femme,
mais l'idée même, le symbole de toute femme.
Claude
Simon – La route des Flandres
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