L'important,
c'est être capable d'émotions ; mais n'éprouver que les siennes, c'est une
triste limitation.
Gide – 12 mai 1892, Journal 1889-1939
Qu’est-ce
donc qu’éprouver les émotions des
autres ?
La réponse
paraît simple. Il y a même un mot pour la dire : c’est la sympathie,
faculté de participer à la vie intérieure d’une personne. On peut aussi évoquer
la faculté par la quelle cette participation devient possible : c’est l’empathie.
Réciproquement,
on peut aussi partager ses émotions en les signifiants d’une façon ou d’une
autre. Tel est le rôle de ces émoticônes,
qui sont assez simplifiés pour être partagés et donc compris.
Bien sûr,
Gide avait d’autres ressources pour pénétrer l’intériorité des gens. Mais je
reste tout de même songeur devant cette pensée : quand je dis que
j’éprouve l’émotion de quelqu’un, qu’est-ce que ça veut dire ? Et surtout,
y a-t-il beaucoup de choses à éprouver ? Car le catalogue des émotions, n’en
comporte pas une variété extraordinaire : les joies et les peines, l’extase,
la tristesse, le désespoir…
En réalité, ce
qui importe, ce sont les contextes qui les déclenchent. Etre en extase dans les
bras d’une femme ou d’un homme, oui, chacun peut en avoir une idée. Mais que
cette femme soit celle-ci et pas une autre, et voilà que l’extase change de
couleur, qu’elle devient plus torride qu’avant…
Mais alors,
si éprouver les émotions des autres ça veut dire connaître aussi en même temps
les situations dans les quelles ils les éprouvent, voilà qui change la donne.
Si je veux bien partager les émotions de l’amour, je ne suis plus tout à fait
d’accord si l’on me propose de partager l’exultation des afficionados de la
corrida.
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