Il n’y a pas
de phénomènes moraux, il n’y a que des interprétations morales des phénomènes.
Nietzsche – Par delà le bien et le mal
Où donc est
la morale ? Dans les actes ou dans les intentions?
- Seuls les actes comptent ; le
bien s’incarne dans certains actes, qu’il suffit de réaliser pour devenir bon
et gagner le paradis. Ainsi faisaient les pharisiens, qui accomplissaient des
actes vertueux, ce qui ne les n’empêchait pas d’avoir un cœur impur.
- Si au contraire la morale est une
affaire de cœur, il faut dire qu’elle dépend de chacun de nous, car elle n’est
rien d’autre que le jugement que nous portons sur les évènements de la vie. En
dehors de ça, il n’y a que de la technique : des actes efficaces ou non.
Admettons provisoirement
que ce soit là le sens de cette phrase de Nietzsche. Mais si ces évaluations
sont des interprétations morales, reste à savoir en fonction de quoi elles se
font.
On a déjà
évoqué ici la distinction wébérienne entre éthique de la responsabilité et
l’éthique de la conviction : certains voudront que tout acte coïncide avec
ses principes, même si l’échec est garanti. D’autres préféreront obtenir un
résultat conforme à la valeur souhaitée, même si ni l’acte lui-même, ni le
résultat ne ressemblent tout à fait à ce qu’on appelle la morale.
Est-ce là ce
que pensait Nietzsche lorsqu’il affirme qu’il n’y a aucun « phénomène moral » ? En fait, je
crois qu’il ne visait pas une quelconque relativité des valeurs morales. Car,
ce qui compte avant tout selon lui, ce n’est pas seulement l’évaluation des actes,
c’est d’abord leur production : c’est elle qui nous donne la réalité de
l’acte moral (d’où le terme étrange de « phénomène »). S’il faut examiner
leur origine pour les évaluer, c’est parce qu’ils sont produits de façon très variable.
Les uns sont sous l’emprise des principes qui sont l’expression de la
transcendance. Ainsi des Commandements divins. C’est pour ceux-là qu’il
s’écrie : « Brisez, brisez les tables de la loi ! »
(Zarathoustra). Les autres, au lieu d’être l’extériorisation d’une volonté,
sont l’effet d’une réaction aux forces qui oppriment l’homme
Car l’acte
pour être moral – et donc pour être évaluable – doit être l’expression d’une
force qui habite l’homme qui et qui l’exprime. C’est comme cela qu’il y a une
morale du maitre et une morale de l’esclave :
- La première est habitée par une
force qui exprime la puissance de la volonté.
- La seconde est l’expression du
ressentiment et donc n’existe que par la souffrance subie.
Interpréter
les actes moraux consiste donc à les
classer selon leur origine – c’est en cela que consiste la
« généalogie » de la morale.
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