Ainsi va la vie, les faibles cherchent toujours à se faire
aimer des dominants. Jamais on ne verra un rottweiler sauter dans les bras de
son maître pour se faire cajoler. Les molosses n'ont pas besoin de flatteries
pour se sentir exister.
Ingrid
Desjours – Tout pour plaire (2014)
Rottweiler
sautant au cou d’un passant
Si vous voulez comprendre le comportement de vos semblables,
regardez comment vit votre chien. Tel il est, tel nous sommes.
Mais non, bien sûr vous n’allez pas flairer l’arrière-train
de vos amis pour savoir quelles sont leurs pensées du jour. Vous n’allez pas
non plus pisser devant votre porte pour faire savoir qu’elle est bien à vous.
Ridicule. Mais ce serait pourtant moins angoissant que de
faire ce que suggère Ingrid Desjours : conformer vos sentiments à votre
force ou à votre faiblesse (1). Bien entendu, puisque ce sont des qualités
relatives à ceux que vous côtoyez, votre attitude sera fonction de ces
rencontres. Vous serez bien aimable et bien flatteur avec votre supérieur, et
bien tyrannique avec vos subordonnés.
Classique. Sauf que si on a le malheur de généraliser ce
propos, alors c’est notre univers affectif qui s’effondre : tous ceux que nous
aimons sont aimés parce qu’ils nous dominent d’une façon ou d’une autre.
Réciproquement, tous ceux qui nous aiment, le font en raison d’une quelconque
supériorité qu’ils remarquent chez nous. Que celui qu’on aime cesse d’être
dominant, et voilà l’amour qui s’effiloche… Horrible pensée.
Quoique : Aristote nous dit bien qu’entre l’amant et
l’aimé il y a une relation d’inférieur à supérieur. Ce que l’amant aime, ce
sont bien les qualités de l’aimé et on peut donc admettre que l’aimé n’a pas forcément
un tel amour pour celui qui l’aime. Tout juste s’offre-t-il par générosité à
l’amour qu’on lui porte. Il est naturel dit Aristote que l’enfant aime son père
beaucoup plus que celui-ci ne l’aime.
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(1) « Conformez
vos sentiments à votre force ou à votre faiblesse » : remplacez
« sentiments » par « morale » et vous aurez un principe que
Nietzsche n’aurait pas désavoué. Reste qu’il n’aurait pas utilisé l’impératif :
cette conformité s’établit tout seule.
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