Le tabou (1) se présente comme un impératif catégorique (2)
négatif. Il consiste toujours en une défense, jamais en une prescription. Il
n'est justifié par aucune considération de caractère moral.
Roger
Caillois L'Homme et le sacré (1939)
S’il est un fait avéré, c’est bien le caractère historique
ou social des tabous : l’article de Wikipédia (ici) en énumère une série
dont on imagine qu’ils sont soit déjà obsolètes, soit en passe de le devenir.
Et que du même coup, certains propos ou certains comportements qui aujourd’hui
sont parfaitement tolérés seront demain des actes ou des sujets tabous. Ce qui
est d’ailleurs corroboré par Caillois qui juge fort justement que la morale,
dont l’implication est trans-historique, n’a rien à voir avec le tabou.
Autre caractère du tabou : il s’agit d’une défense. Le
tabou ne nous dit jamais « Tu dois
faire ceci-cela », mais « Tu ne
dois pas faire ceci-cela » ; raison pour la quelle Caillois
identifie le Tabou à l’impératif catégorique (cf. note 2).
Seulement voilà : chez Kant, l’impératif catégorique
est fondé sur la souveraineté de la raison. L’impératif est rationnel et la
raison est souveraine – se soumettre à la législation de la raison est le
principe même de la morale. Ainsi se trouve fondée la valeur morale.
--> Alors, quel est donc le fondement du tabou ? Si
je ne dois pas épouser ma cousine au 1er degré, si je ne dois pas paraître dans une réunion
publique en même temps que ma sœur, si celle-ci ne doit pas entrer dans la
maison commune lorsqu’elle a ses règles, il doit y avoir des raisons que les
ethnologues vont rechercher dans les mythes et dans la structure de la société. Mais avec nos tabous, ceux que
nous admettons sans discussion, tel que l’évocation de telle maladie ou le comportement
sexuel de tel individu : rien de tout cela – on admet qu’il ne faut
pas en parler, ni bien sûr faire ce qu’il défend, sans jamais dire pourquoi.
C’est comme ça et voilà tout : tel est l’impératif catégorique. Reste
qu’on peut quand même dire que, si on peut parler de tabou dans tous ces cas,
c’est parce qu’on a affaire aux conditions de possibilité de la vie collective.
C’est ce que le rappelle ce dessin de Caran d’Ache à propos
de l’affaire Dreyfus, sujet tabou de l’époque.
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(1) Le tabou est une
prohibition à caractère sacré dont la transgression est susceptible d'entraîner
un châtiment surnaturel. (Art. Wiki)
(2) L'impératif catégorique correspond à ce
qui doit être fait inconditionnellement. Il n'y a pas ici de fin instrumentale,
l'impératif catégorique s'impose de lui-même sans autre justification.
(A distinguer de l’impératif hypothétique correspondant à ce
qu'il faut faire en vue d'une fin particulière) – (Art. Wiki)
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