Une bonne interprétation musicale donne l’impression d’un
texte originaire.
Pascal
Quignard Vie secrète
Commentaire
I
Interpréter une œuvre ne signifie pas donner à entendre ce
que le compositeur aurait fait entendre si d’aventure il était encore là pour
le faire. D’ailleurs, grâce à l’enregistrement phonographique on a bon nombre
d’œuvres tout à fait capitales interprétées par leur compositeur : qu’on
songe à l’œuvre de Stravinsky dirigée par Stravinsky. Pourtant on ne se prive
pas de continuer à produire de nouveaux enregistrements qui font surgir
d’autres facettes des musiques de Stravinsky.
Selon Pascal Quignard, la bonne interprétation réinvente
l’œuvre jouée, comme si sa composition se faisait là devant nous. L’interprète
est habité non par le fantôme du compositeur, mais par la force et la cohérence
de son œuvre – en tout cas c’est l’impression qu’il doit nous donner. On en
déduit facilement que la musique doit être écoutée « en direct » et
non enregistrée. La vie qui se déroule, avec ses surprises, avec ses risques
doit faire partie de la musique : elle doit être un spectacle vivant, et
non un mécanisme qui se déroule toujours de la même façon.
On objectera que le jazz, qui répond le plus exactement à
cette définition puisqu’il est fait d’improvisations, est en même temps le plus
dépendant de l’enregistrement. Il n’y a pas d’œuvre jazzistique autre que les
« prises » réalisées tel jour à tel endroit avec tel personnel, et
gravée sur disque Decca N° ---.
C’est vrai. Reste que l’improvisation est alors celle de
l’auditeur qui marque le rythme avec son corps et qui a envie de siffler à
chaque chorus.
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