La société de consommation a besoin de ses objets pour être
et plus précisément elle a besoin de les détruire.
Jean
Baudrillard – La société de consommation (1978)
(1978 – Notez la date de publication de l’ouvrage de
Baudrillard : 1978. C’était l’époque où l’on aimait rappeler cette
définition de la société de consommation, entre autre parce que ça nourrissait
notre indignation et notre soif de pureté et de retrait – là bas, au fond de la
Lozère.)
Oui, à l’époque on s’indignait d’entendre qu’on nous
fournissait des choses dont le seul intérêt était d’être destructible. Que
dis-je ? De devoir être détruits. Que dans notre société consommer n’avait
que cet intérêt, et rien d’autre. Du
coup on s’indignait d’être manipulés par d’odieux commerciaux, comme les
vendeurs de Coca-Colas.
…
Voyez comme les choses ont changé : aujourd’hui,
personne ne s’indigne de devoir jeter avec l’emballage une part importante du
produit qu’on vient d’acheter. Qu’il y ait deux parts dans ce produit :
celle qu’on jette immédiatement (l’emballage), pour pouvoir accéder à celle
qu’on détruira un peu plus tard (le consommable), quoi de plus ordinaire ?
Coca-Cola : le meilleur avec ce produit est dans le
geste qui écrase la canette et qui la flanque à la poubelle : du moment
que c’est dans les recyclables, tout va bien !
Tout ça pour dire que nous sommes devenus plus purs ou plus
naïfs qu’autre fois. Il ne s’agit plus pour nous de soupçonner que des capitalistes
cyniques profitent de nous en nous forçant (pour leur plus grand profit) à
consommer ce dont nous n’avons nul besoin. Nous, ce qui nous préoccupe c’est
seulement de sauvegarder l’intégrité de la planète : que la canette de
Coca soit en matière biodégradable – rêvons un peu : qu’elle soit faite
d’un engrais qui va fertiliser le sol où nous la jetterons – et alors nous
serons heureux.
Et en plus nous aurons toujours le plaisir de l’écraser dans
notre main, exactement le même plaisir que lorsque, enfant, nous allions
piétiner le château de sable que notre papa venait de nous faire.
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