L'âme parfois pèse au philosophe. La pensée semble une
lourde obligation. Voir l'homme, faire plus que le voir, le regarder, faire
plus que le regarder, l'observer, faire plus que l'observer, le scruter, faire
plus que le scruter, le disséquer, faire plus que le disséquer, l'analyser,
certes, c'est là une rude affaire, et l'on se prend à envier les êtres
inconscients, mêlés aux puretés éternelles de la création. On trouverait doux
d'être une bête brute dans les bois.
Victor
Hugo – Fragments philosophiques
Deux relations mathématiques :
1 – L’inégalité : Voir < regarder < scruter < disséquer
< analyser.
2 – L’égalité : Inconscience de la bête = pureté
éternelle de la création.
Je crois que Victor Hugo nous rejoue l’épisode « Descartes contre l’animal ».
1 – En effet, conformément au principe cartésien de la
méthode, penser est pour Hugo une démarche qui vise à l’analyse du réel, qu’il
décompose pour en examiner les éléments. Hugo il est vrai ne nous dit pas qu’il
faut remonter tout ça après l’avoir démonté, mais chez Descartes cette
obligation est bien là, elle est même beaucoup plus facile et évidente que
l’analyse.
2 – L’animal selon Descartes ne pense pas, ce qui est
l’attribut essentiel de l’âme pour lui. Pour Hugo, de même, la bête est
inconsciente, autrement dit elle prend le réel d’un bloc (sans doute en terme
d’avantage/inconvénient) et nulle analyse donc, selon notre auteur, nulle
pensée, ne surgit en elle.
o-o-o
Là s’arrête la comparaison.
- Descartes estime que l’animal est une machine dont on peut
disposer à sa guise. La Bible déjà faisait de l’animal un être crée pour
l’homme et donc asservi à ses besoins ; Descartes va encore plus
loin : l’animal n’est même pas un être vivant, il n’est qu’un assemblage
de rouages, dépourvu de ce souffle divin qu’on appelle l’âme.
- Chez Hugo, la pensée dont l’homme s’enorgueillit est en
même temps ce qui lui a fait perdre la pureté originelle : c’est la
science qu’il a acquise en mangeant le fruit défendu qui lui a fait perdre son
innocence. L’animal quant à lui est resté tel qu’au sortir des mains du
Créateur. L’homme s’est auto-façonné par la pensée et par la rationalité. Mais
en même temps il doit porter la responsabilité de ce qu’il en est advenu.
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