L'art du comédien est de se ménager et de ne présenter que
les apparences des choses. Il doit être froid en brûlant les planches et rester
tranquille au milieu des plus grandes furies.
Théophile
Gautier Le Capitaine Fracasse (1863), X, Une tête dans une lucarne
Voici une nouvelle mouture d’une distinction largement repandue :
le comédien joue un personnage en simulant. L’acteur joue un rôle en tirant de
sa propre vie l’expression des sentiments ressentis par son personnage. Ce
qu’il exprime c’est ce qu’il a déjà vécu, et s’il peut jouer c’est seulement en
se remémorant certaines circonstances de sa vie. L’acteur pleure en faisant
remonter en lui un triste souvenir ; le comédien pleure en grimaçant de
façon crédible. Ce qui montre qu’il est plus risqué d’être un acteur qui doit
(re)vivre les émotions qu’il joue, qu’un comédien qui les mime. On a ici même
déjà rappelé l’étrange descente aux enfers que Björk s’était imposée pour
interpréter son rôle dans le film Dancer
in the dark.
On croit qu’on est aujourd’hui devenu exclusivement des
consommateurs d’acteurs, que nous n’allons au cinéma que pour voir tel acteur
qui nous a plu dans des films antérieurs et dont nous supposons qu’il va nous
rejouer le même personnage : c’est à dire lui-même. C’est sans doute vrai
mais pas entièrement. On observe en effet que les rôles qui permettent de
gagner des récompenses, Oscars ou Césars, sont souvent des rôles de
composition. Qu’une jeune actrice accepte de se vieillir (1), qu’un acteur beau
et viril joue les garagistes dépressifs (2), qu’un comique nous fasse pleurer (3) :
voilà ce qu’on admire.
Oui, c’est plutôt réconfortant. Mais attention : ne pas
abuser de la recette au risque de décevoir les spectateurs. Seuls quelques
acteurs ont l’étoffe pour devenir des comédiens.
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(1) Ou de se « mutiler » : Marion Cotillard
en cul-de-jatte dans « De rouille et d’os ».
(2) Alain Delon dans « Notre histoire » (1984)
(3) Coluche récompensé au 1984 pour son rôle dans Tchao pantin : encore un garagiste dépressif. Bizarre….
(3) Coluche récompensé au 1984 pour son rôle dans Tchao pantin : encore un garagiste dépressif. Bizarre….
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