Une bonne
interprétation musicale donne l’impression d’un texte originaire.
Pascal Quignard Vie secrète
Commentaire II
Hier nous
avons réfléchi à l’interprétation musicale. Aujourd’hui nous chercherons à
élargir cette réflexion au texte en général, je veux dire : à tout texte écrit.
Lorsque nous
lisons un livre, il peut nous arriver de perdre complètement conscience du fait
que nous sommes entrain de lire. Nous ne sommes plus en cet endroit, lové dans
ce fauteuil, notre esprit n’est plus préoccupé par les questions de la vie
courante. L’histoire que nous lisons nous
entraine au galop, ou par des frémissements feutrés (longtemps je me suis couché de bonne heure…) : en nous, ce
monde d’émotions c’est pour la première fois qu’il se déploie, c’est en cela qu’il est originaire. Nous, lecteurs, nous sommes les interprètes du livre,
et peu nous importe que nous soyons fidèles à l’intention de l’auteur : ce
qui compte c’est justement que l’œuvre se révèle à nous pour la première fois.
Alors, bien
sûr, il n’est pas questions de faire de tout texte l’occasion d’une pareille
lecture. Si vous lisez un livre de philosophie, vous constaterez qu’il est
essentiel de reconstituer la démarche de l’auteur, aussi exactement que
possible. D’ailleurs certains comme Kant vous aident à le suivre, en vous
donnant définitions, principes, déductions etc. Attention aux aventuriers qui
sauteraient 50 pages pour retrouver un fil qu’ils auraient perdu en
route !
Mais même ces
lectures ne sont pas si rigides que cela. Bergson disait qu’en philosophie il
fallait atteindre le centre de l’intuition du philosophe, ce point à partir du
quel sa démarche se déploie, en bref, ce qu’il croyait et ce qu’il voulait
montrer. C’est quand on a atteint ce point que la lecture nous livre un texte
originaire.
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