Tuesday, May 12, 2009

Citation du 13 mai 2009

L’artiste doit peindre ce qu’il voit et non ce qu’il sait.

Ruskin

I'm not a man, I'm Eric Cantona.

Dialogue du film de Ken Loach "Looking for Eric", en compétition à Cannes


Le peintre doit peindre ce qu’il voit, c'est-à-dire l’individu – et non ce qu’il sait, c'est-à-dire ce que récapitule le concept - l’idée du genre. Il peint tel homme, et non l’homme ; tel animal – par exemple ce chien, ce loup, et non le chien ou le loup.

C’est en ce sens qu’il peint ce qu’il voit et non ce qu’il sait ; ce qui veut dire aussi que l’on ne connaît que ce qui est général – le concept ; et non ce qui est individuel – tel homme.

Et c'est en ce sens également qu'Eric Cantona peut tranquillement affirmer qu'il n'est pas un être humain, puisque l'être humain est un concept générique qui, en tant que tel, n'existe pas (1)..

Il s’en suit deux affirmations réciproques : d’une part, ce n’est pas l’homme que nous croisons dans la rue, mais tel individu. D’autre part, de cet individu nous ne savons rien, si non qu’il appartient à un genre, qui est l’homme.

Voilà de quoi alimenter nos réflexions, ce qui je crois a été fait par Clément Rosset dans l’Objet singulier (2) – toute l’aventure du langage se déploie dans le va et vient entre la réalité singulière qu’on ne peut pas dire et le concept qui n’existe pas.

Mais, si nous revenons à la peinture, ce jugement ne risque-t-il pas de justifier les critiques négatives opposées aux tableaux donnant une vision fantastique ou imaginaire du réel – ou encore n’offrant aucune représentation du réel ? Ne va-t-on pas entériner les remarques entendues dans les expos d’art moderne : « Qu’est-ce que ça représente ? On n’y reconnaît rien ! »

Si le peintre doit peindre ce qu’il voit, alors pourquoi ne pas le remplacer par un appareil photographique ? C’est au moins ce qu’on a cru pouvoir faire lors de l’invention de la photographie au XIXème siècle.

Entre ce qu’on sait et ce qui est, il n’y a pas seulement place pour ce qu’on imagine.

Il y a aussi place pour ce qu’on voit, de là où l’on est placé avec les yeux que nous avons et l’expérience de notre vie. Voilà bien des conditions particularisantes.


(1) Tout ceci est bien connu depuis l'antiquité : il s'agit de la célèbre querelle des universaux, qui, comme on le voit, n'est pas encore tout à fait terminée...

(2) Edition de minuit – 110 pages, 140 grammes

No comments: