Monday, May 25, 2009

Citation du 26 mai 2009

La philo n'est pas mal non plus. Malheureusement, elle est comme la Russie : pleine de marécages et souvent envahie par les Allemands.

Roger Nimier – Le Hussard bleu (1950)

Décidément, Roger Nimier ne portait pas une grande estime à la Russie… (1)

Mais voilà : c’est à la philosophie qu’il a réservé sa flèche la plus acérée, et c’est elle qui nous atteint ce matin…

Le marécage de la philosophie : des thèses, et puis des pages dans les quelles on s’enfonce sans jamais trouver un sol stable, c'est-à-dire une certitude sur la quelle reposer pour avancer avec sûreté.

Mais on peut tout de même appeler la philosophie française à la rescousse pour s’en sortir : et voilà René notre secouriste en chef, « …je déracinais cependant de mon esprit toutes les erreurs qui s'y étaient pu glisser auparavant. […] tout mon dessein ne tendait qu'à m'assurer, et à rejeter la terre mouvante et le sable, pour trouver le roc ou l'argile. » (Descartes Discours de la méthode 3ème partie) (2)

Alors bien sûr, ce sont les allemands qui sont responsable de cet enlisement marécageux ; et avons-nous quelqu’un de plus évident que Heidegger à citer pour illustrer cette thèse ? Le marécage du questionnement heideggérien ne nous tire pas vraiment vers la clairière de l’Etre là où la vérité brille sans retrait...

Sommes-nous si souvent, nous philosophes, envahi par les allemands ?

Et si c’était eux qui malgré tout nous tiraient du marécage ?

Qui donc mieux que Nietzsche pour nous hisser sur le bord du marécage, loin des crapauds et des grenouilles ? Ainsi Zarathoustra interpelle-t-il le fou (3) : « Te tairas-tu ? … Pourquoi t’es-tu attardé au bord du marécage jusqu’à devenir toi-même grenouille ou crapaud ? N’as-tu pas dans tes propres veines le sang putride et spumeux des marécages, pour avoir si bien appris à coasser et à blasphémer ? Pourquoi n’es-tu pas allé en forêt ? Pourquoi n’es-tu pas allé labourer la terre ? Et la mer n’est-elle pas couverte d’îles verdoyantes ? »


(1) Voir aussi cette sentence, extraite du même ouvrage : On peut battre une femme, tuer un enfant, voler une pauvresse, après la vodka, c’est encore la faute de la Russie.

(2) Sur le marécageux chez Descartes, voir aussi ceci : « …je comparais les écrits des anciens païens qui traitent des moeurs, à des palais fort superbes et fort magnifiques, qui n'étaient bâtis que sur du sable et sur de la boue. » Idem, 1ère partie

(3) Le fou est dans ce passage le symbole du nihilisme, celui qu'on attribue à Zarathoustra, et qu'il refuse de tout son amour pour l'humanité. Nietzsche – Ainsi parlait Zarathoustra 3ème partie (Passer son chemin, t. 2, p. 65 de l’édition bilingue Aubier-Flammarion)

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