Qui juge lentement juge sûrement.
Sophocle – Oedipe Roi
C’est curieux comme ce précepte a traversé les âges au point qu’il sert encore aujourd’hui à justifier les lenteurs de la justice.
On nous dit : c’est parce que la justice est sérieuse, parce qu’elle prend tout le temps nécessaire pour instruire l’affaire, qu’il ne faut pas tenir compte des jours et les années à attendre que justice soit rendue, mais être seulement attentif à la mise en lumière de la vérité. Et d’opposer à la vénérable justice, la justice expéditive, celle des émeutes, de la populace et des lynchages.
Oui, mais les victimes protestent : pour elles pas de justice sans punition, et pas de coupable non châtié. Le délai mis à le condamner est autant de jours de justice volés aux victimes. En témoigne la revendication de l’emprisonnement préventif : que je croise dans la rue mon agresseur en instance de jugement et c’est un épouvantable déni de justice – alors que ce n’est que la stricte application d’une principe fondateur de celle-ci, je veux dire l’habeas corpus.
- Oui, mais interrogeons cette hâte à châtier : n’y a-t-il pas là quelque chose qui se dit ?
Quelque chose qui aurait à voir avec la vengeance ?
La condamnation du criminel ne serait alors qu’un substitut de vengeance – une vengeance institutionnelle. Or, la vengeance est une passion de l’ordre de la réaction à l’agression. Et comme telle elle n’a qu’une hâte, c’est qu’au crime succède instantanément le châtiment.
Et même si on dit d’elle que c’est un plat qui se mange froid, il faut entendre je crois qu’elle se consomme même froide. Mais qu’elle est meilleure chaude.
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