De me trouver tout seul en présence d'une seule femme me déconcerte beaucoup plus que d'en affronter deux. Une femme, c'est un monde. Mais une femme plus une femme, ce n'est qu'une paire...
Jacques Audiberti – La fête noire
Une femme, seule à seule avec un homme, c'est un monde… car on est dans la relation de personne à personne.
Par contre, une femme plus une femme, ce n'est qu'une paire... Audiberti veut dire je suppose que les deux femmes en question sont face à une autre personne , qu’on est dans la logique d’une relation sociale - ou de séduction amoureuse : ces femmes sont des copines ou des rivales, bref elle jouent l’une et l’autre un rôle destiné à simuler ou dissimuler.
Laissons de côté la question de savoir si cette citation ne concerne que les femmes et pas les hommes, question qui ne m’intéresse pas vraiment : je me sens d'avantage concerné par l'idée que la complexité d’un être ne se mesure pas à la perplexité qu’il soulève.
Et en effet, l’idée que, homme ou femme, nous ayons deux réalités, l’une qui coïncide avec notre être social et une autre qui suit les méandres de notre personnalité plus secrète et sans doute plus authentique me paraît crédible.
Que savons-nous de cette personnalité plus secrète ? Pourquoi n’existe-t-elle pas pour les autres ? La connaissons-nous en nous-mêmes ? Pouvons-nous seulement en parler ?
Elle qui est la source de notre pensée, la source de nos sentiments, la source de nos convictions intimes, il est probable qu’elle ne se pense pas elle-même, ne se sent pas elle-même, ne se rencontre pas elle-même – pas plus que l’œil ne se voit lui-même.
Reste donc notre être social.
Comment évaluer notre réalité sociale ? Si nous l’avons forgée nous-mêmes pourquoi ne pas nous reconnaître en elle ? Après tout quand je pense à moi, est-ce que je pense à autre chose qu’à ça ? Je veux dire : je ne pense finalement qu’à ce que je pourrais dire de moi aux autres.
C’est lorsque les autres m’imposent un personnage que je n’ai pas choisi, pire encore : quand je m’identifie à ce personnage qu’on m’impose (comme le juif de Sartre) que surgit l’aliénation. Ce n’est pas d’être un exemplaire dans une série quelle conque qui est aliénant ; c’est de se voir enfermé dans cette série là, qu’on n’a pas choisie.
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