Etre réaliste, c'est préférer une réforme modeste, qui en permet une autre, à un miracle impossible.
Habib Bourguiba – Discours
J’aime bien cette manière d’opposer la réforme au miracle. De mon temps (années 68 et suivantes), on considérait plutôt que la réforme s’opposait à la révolution. Mais au fond c’était la même idée.
L’idée que réformer, c’est être pragmatique, ne pas chercher à atteindre d’un coup l’idéal pourtant absolument indispensable, la justice sociale, la liberté pour tous, l’égalité réelle entre les citoyens, etc…
Mais comme d’habitude, ces citations, quand elles sont intéressantes, le sont par un détail qui ne frappe pas tout de suite l’attention.
Ainsi ici : préférer une réforme modeste, qui en permet une autre…
Voilà : qu’est-ce qu’une bonne réforme ? C’est une réforme qui va dans le bon sens comme on dit aujourd’hui, et qui, sans prétendre l’atteindre, nous en rapproche : c’est donc une réforme qui en permet une autre. Autrement dit, il faut voir derrière la réforme qui se met sur les rails, le train de réformes qui se profile.
Donc, en face d’une proposition de réforme :
- D’abord, il faut se demander si celle qu’on nous propose est susceptible d’être complété et donc améliorée par d’autres réforme, ou bien si elle est refermée sur elle-même au point que pour l’améliorer il n’y aurait plus qu’à la détruire pour repartir sur de nouvelles bases.
- Ensuite, il faut se demander quelles sont les réformes futures induites par celle qu’on nous propose.
Car c’est bien ça qu’on fait sans le dire : rappelez-vous, la réforme de GDF. On nous avait dit : pas de privatisation dans la loi qu’on vous demande de voter. Et pas d’intention de le faire…
Les opposants disaient : derrière cette restructuration se profile la privatisation, elle est logique.
Je ne dis pas si GDF-Suez est une chance ou un péril. Je dis simplement que, comme le dit Bourguiba, il faut se méfier des réformes, parce qu’elles sont rarement complètes et qu’elles ne révèlent leur vérité complexe qu’au cours du temps, par une articulation progressives de réformes complémentaires.
Je crois bien que c’est à ça que se heurte la réforme des universités aujourd’hui. Et c’est pour ça que le gouvernement réécrit ses lois sans hésiter. Il sait que ce qu’il a effacé aujourd’hui pourra être réécrit demain.
Il suffit que la locomotive du train de réforme soit mise sur les rails, et qu'on sache où ils vont.
Mais il faut quand même se demander s'il y a des aiguillages sur l'itinéraire.
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