Tout ce qui est parfait en son espèce doit dépasser son espèce.
Goethe – Les affinités électives (Folio, p.254)
Encore un des ces paradoxes dont les amateurs de citations sont si friands ? Oui et non.
Oui, parce qu’il s’agit surtout d’une phrase tronquée pour tenir l’intérêt en haleine et remplir l’objectif de la citation. Juste après, Goethe donne l’exemple du rossignol dont le chant merveilleux dépasse tout ce que les autres oiseaux s’essaient à faire, pour leur monter ce qu’est cet l’idéal inaccessible pour le quel ils s’égosillent.
Non, parce que le paradoxe est qu’on ne peut appartenir à une classe sans en être quelque peu indigne.
Comme si on ne pouvait être homme sans avoir le déshonneur de ne pas être un surhomme.
- Aurions-nous le devoir d’être ce qu’on ne pourra jamais atteindre ?
Voilà une conception bien tragique de l’existence, quelque chose qui me semble bien chrétien : sans le Sauveur, ton devoir te restera inaccessible, tu ne pourras jamais par tes propres forces être ce que pourtant tu dois devenir.
Si le héros romantique est tragique, c’est parce qu’il lutte avec la conscience de ne jamais pourvoir gagner. L’amour romantique s’accomplit dans la mort et jamais dans la jouissance. C’est exactement comme le janséniste qui vit pour mériter son salut et qui sait pourtant que ça s’est joué dans son dos, alors même qu’il n’existait peut-être pas encore… La pureté de l’homme sans tache est une inaccessible perfection qu’on nous fait pourtant le devoir d’atteindre…
Finalement, je préfère encore la leçon de Nietzsche. Parce que, lorsqu’il nous dit : L’homme est ce qui doit être dépassé, il ne nous compare pas à l’oiseau qui doit se faire rossignol.
Il nous compare plutôt au marin qui largue les amarres pour des rivages inconnus, rivages qu’il va créer par son voyage même.
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