La cuisine est le plus ancien des arts parce que Adam naquit à jeun.
Brillat-Savarin
Même si nous prenons le terme d’art dans son sens ancien de savoir-faire ou de technique, on reste dubitatif devant cette citation.
La cuisine, art d’apprêter les aliments, est-elle née de la nécessité de se nourrir ? On pourrait au moins nuancer l’affirmation : disons plutôt que la transformation des aliments est un fait culturel et non naturel. C’est ce que Lévi-Strauss a largement illustré dans ses Mythologies, et en particulier dans la page bien connue du « Triangle culinaire » (voir ici) : non pas qu’on puisse dire que les préparations culinaires sont inutiles, mais plutôt qu’elles sont variables selon les époques et les lieux – et pas seulement selon les nourritures disponibles : on peut conserver le poisson en le salant, en le boucanant, en le fumant – et conformément aux prévisions du triangle culinaire, on peut même les conserver légèrement pourri, comme le hareng fermenté de la Baltique.
Ce qu’on pourrait dire, c’est qu’Adam, qui avait le Jardin d’ Eden à sa disposition, n’a sûrement pas eu à inventer la cuisine.
Par contre, la pénurie venant (suite au péché originel), il lui a fallu sûrement inventer des procédés de conservation ; et si on veut appeler ça de la cuisine, pourquoi pas.
De la cuisine, mais quand même pas de la gastronomie. Car j’imagine que ce n’est pas Brillat-Savarin qui me contredirait si je dis que la gastronomie n’est pas faite pour nourrir, mais pour apporter jouissance et ravissement.
D’ailleurs, l’Eglise a bien su condamner la gourmandise sans pour autant condamner la faim.
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