Souvent, considérant la quantité de choses en vente, il [Socrate] se disait : « De combien de choses, moi, je n’ai pas l’usage !
Diogène Laërce – Vies et doctrines des philosophes illustres (Livre II, § 25)
Il [Socrate] disait que (…) plus réduits étaient ses besoins, plus il était proche des dieux.
Idem, § 27
La Citation du jour, désireuse d’apporter son concours à l’entreprise de moralisation de la Nation, lance aujourd’hui sa campagne de lutte contre les soldes.
N’est-il pas désastreux en effet, de voir toutes ces bonnes ménagères de moins de 50 ans se précipiter sur les magasins arborant des affiches qui promettent 70% de réduction en caractère aussi énormes que sont riquiquis les avertissements précisant qu’il ne s’agit que des articles signalés en magasins ?
Et comment – si du moins on n’est pas addict à la consommation – ne pas se sentir humilié d’être considéré uniquement comme une carte bancaire sur pattes ?
Heureusement, Socrate est là. Imaginez le, déambulant au milieu de ces avenus piétonnes, drapé dans son chitôn (1), pieds nus dans ses sandales, avec de beaux jeunes gens encore imberbes qui le suivent : ils viennent de débarquer d’un couloir du temps, ils se retrouvent Chaussée-d’Antin – eux qui l’instant d’avant discutaient à l’ombre du Parthénon.
- Voyez, mes bons amis, tous ces magasins. Par le chien ! toutes ces femmes qui courent en tous sens, est-ce que vous savez pourquoi ?
- Pas du tout, Socrate. Nous ne le devinons pas.
- Eh bien, très chers, ne croyez-vous pas qu’elles sont prises d’une folie qui les pousse à acheter non pas ce dont elles ont besoin, mais ce qui est moins cher aujourd’hui qu’hier ?
- Mais, Socrate, voilà qui est très étrange et nous comprenons encore moins.
- C’est que vous êtes des Athéniens du siècle de Périclès, mes bienheureux ! En 2011, il parait qu’on achète non pas ce dont on a besoin, mais ce qui procure un plaisir.
- Mais quand on achète ce dont on n’a pas besoin, comment cela peut-il faire plaisir ? Dis-le nous, Ô Socrate.
- Vous avez raisons, mes braves : le plaisir est toujours lié à un besoin.
Et voilà ce que je crois : si le plaisir recherché par ces femmes est celui de l’achat, et non de l’usage, c’est que pour elles, ce plaisir lui-même est devenu un besoin.
Qu’en pensez-vous, mes amis ?
- Et toi Socrate ?
- Moi, je pense que, plus réduits sont mes besoins, plus je suis proche des dieux.
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(1) Mot du jour – Chitôn : il s'agissait de deux carrés de tissu drapés sur le corps et maintenus aux épaules par des épingles ou des broches. (Description complète ici)
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