Wednesday, July 27, 2011

Citation du 28 juillet 2011

Il n'est pas nécessaire qu'un auteur comprenne ce qu'il écrit. Les critiques se chargeront de le lui expliquer.

Abbé Prévost (1697-1763) – Réflexions et dialogues (1)

PHILAMINTE – Faites-la sortir, quoi qu'on die: / Que de la fièvre on prenne ici les intérêts:/ N'ayez aucun égard, moquez-vous des caquets, / Faites-la sortir, quoi qu'on die. / Quoi qu'on die, quoi qu'on die. / Ce quoi qu'on die en dit beaucoup plus qu'il ne semble. / Je ne sais pas, pour moi, si chacun me ressemble; / Mais j'entends là-dessous un million de mots.

Molière – Les femmes savantes acte III, scène 2

La flèche décochée par l’abbé contre les auteurs de romans mal ficelés est une flèche à deux coups, parce qu’elle atteint aussi les critiques littéraires qui vendent leur pédanterie pour masquer leur ignorance. En témoigne cette célèbre scène des Femmes savantes, où le pédant explique le lamentable poème de Trissotin à ces dames qui se pâment devant son talent d’exégète.

Dois-je l’avouer ? Molière ne me fait pas souvent rire ; mais là oui, ça fonctionne.

Outre le pédantisme dont on se gargarise toujours (2), le commentaire à perte de vue sur des textes abscons reste un exercice très prisé, non seulement parce qu’il est bon de montrer qu’on comprend ce que les autres ne comprennent pas, mais encore parce que c’est l’obscurité qui permet justement d’inventer des interprétations au kilomètre.

Alors, c’est vrai, l’obscurité d’un poème ne signifie nullement qu’il soit nécessairement insignifiant. Mais c’est tout de même un procédé qui permet de retenir l’attention du lecteur : Valéry, à propos de la Jeune Parque déclarait : son obscurité m’a mis en lumière…

Si les papillons de nuit sont attirés par la lumière, certains esprits le sont par l’obscurité.

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(1) L’Abbé Prévost est l’auteur de L’Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, autrefois bien connu de tous les lycéens.

(2) De nos jours l’habitude de s’extasier devant des nullités simplement parce qu’elles sont énoncées dans un charabia convenu entre les membres de la même chapelle est toujours aussi intense. Et je pense plus particulièrement aux lacaniens, même si dans les ouvrages de Lacan il y a quand même autre chose.

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