Friday, July 08, 2011

Citation du 9 juillet 2011



…[regardant] d’une fenêtre des hommes qui passent dans la rue, à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes […] ; et cependant que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts ?
Descartes – Méditations métaphysiques (Seconde méditation)
Voici une page de la philosophie classique qui mérite peut-être d’être relue, histoire de montrer que ce n’est pas si compliqué qu’on le prétend.
Ainsi de l’exemple du morceau de cire dans la Seconde méditation de Descartes. En s’en tenant à l’essentiel, Descartes veut dire que nous voyons plus avec notre esprit qu’avec nos yeux, puisque voyant un homme couvert d’un chapeau passer dans la rue (cf. illustration), « je juge que ce sont de vrais hommes », alors qu’en réalité ce que je vois « ce sont des chapeaux et des manteaux » (dans notre illustration : un sombrero et des cheveux).
--> « … et ainsi je comprends [que je ne voyais que], par la seule puissance de juger qui réside en mon esprit, ce que je croyais voir de mes yeux. » conclut-il dans l’extrait mis en annexe.
C’est notre esprit qui voit, non nos yeux (ou si vous préférez, nos yeux ne voient que sous le contrôle de notre esprit).
Certaines des illusions que nous appelons donc fort improprement des illusions d’optiques sont plutôt des illusions psychologiques.
Si nous considérons que les propos de Descartes sont sans intérêt, c’est sans doute parce que nous n’y croyons pas. Descartes n’avait certes pas à sa disposition l’«outil » Photoshop. Essayons de renouveler son expérience :
Nous avons reproduit côte à côte le dessin initial, puis le même en exécutant la consigne (1) pour bien nous persuader qu’elle est concluante : oui, nos yeux nous trompent… Nos yeux ? Non, mais notre cerveau, oui.
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(1) Nous avons aussi copié un morceau du carré qui nous paraît gris foncé dans l’ombre du cylindre et recollé sur un carré foncé hors de l’ombre : il est noir.
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Annexe. Texte de Descartes, extrait de la seconde méditation
Cependant je ne me saurais trop étonner, quand je considère combien mon esprit a de faiblesse, et de pente qui le porte insensiblement dans l’erreur. Car encore que sans parler je considère tout cela en moi-même, les paroles toutefois m’arrêtent, et je suis presque trompé par les termes du langage ordinaire ; car nous disons que nous voyons la même cire, si on nous la présente, et non pas que nous jugeons que c’est la même, de ce qu’elle a même couleur et même figure : d’où je voudrais presque conclure, que l’on connaît la cire par la vision des yeux, et non par la seule inspection de l’esprit, si par hasard je ne regardais d’une fenêtre des hommes qui passent dans la rue, à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, tout de même que je dis que je vois de la cire ; et cependant que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts ? Mais je juge que ce sont de vrais hommes et ainsi je comprends, par la seule puissance de juger qui réside en mon esprit, ce que je croyais voir de mes yeux.

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