C'est le triomphe de la liberté, lorsque les lois criminelles tirent chaque peine de la nature particulière du crime. Tout l'arbitraire cesse; la peine ne descend point du caprice du législateur, mais de la nature de la chose; et ce n'est point l'homme qui fait violence à l'homme.
Montesquieu – De l’esprit des lois, livre XII, chapitre 4 (Que la liberté est favorisée par la nature des peines et leur proportion)
Notre époque est obsédée par la sécurité. Toujours plus de rigueur contre les délinquants, voilà le souci essentiel de nos concitoyens. Toutefois, il faut aussi se demander comment cette rigueur peut être compatible avec l’exigence de liberté individuelle sur la quelle est fondée notre société.
Tout le problème est qu’on s’en tient à la première partie de la réponse : on dit que la victime doit être prise en considération et que sa liberté doit être garantie contre la menace des criminels. Et si la liberté des criminels devait aussi être prise en considération ?
J’entends d’ici les protestations des bonnes gens : que les malfaiteurs commencent par respecter les libertés des honnêtes gens, et on verra alors si on peut respecter la leur (1).
--> Les principes sont les principes : ils n’admettent pas d’exception, et tant qu’on admettra qu’un criminel est aussi un homme, il aura des droits qu’il faudra respecter.
Bon – Venons-en à l’essentiel. Qu’est-ce qui menace la liberté d’un criminel, c’est-à-dire d’un homme qu’on se prépare à priver de liberté ? C’est que cette sanction devienne une violence arbitraire, car si c’est l'homme qui fait violence à l'homme, alors il n’y aura plus de différence entre la violence du crime et celle de la punition.
Respecter la liberté du criminel, c’est donc faire que la sanction qui lui est infligée ne dépende point de l’arbitraire du juge (et encore moins de l’esprit de vengeance de la victime, ni de la pression de l’opinion publique). Pourtant, le juge, tout juge qu’il est, n’en reste pas moins homme avec ses limites, ses passions et ses petitesses.
Pour éviter cela, il faut que chaque peine [soit tirée] de la nature particulière du crime, afin qu’elle ne descende point du caprice du législateur, mais de la nature de la chose.
C’est alors que le criminel serait condamné non pas selon la volonté du juge, mais selon sa volonté propre : « Tu as voulu faire ceci ? C’est donc toi qui te condamne toi-même à cela ».
On dira qu’à ce compte c’est la loi du Talion qu’il faut ressusciter. Peut-être pas forcément.
Voyez les propositions du ministère de l’Education nationale, qui vise à établir un système de sanction contre les élèves qui troublent la vie scolaire : on veut qu’il y ait un barème des punitions qui soit appliqué automatiquement, sans que la délibération des enseignants ne puisse venir la modifier.
Et les retraits automatiques de points sur les permis ?
- Tu veux dépasser la vitesse autorisée ? Donc tu veux perdre un point et payer l’amende. (2)
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(1) On se rappelle peut-être la répartie d’un député de la 3ème république lors d’un débat à l’Assemblée où il était question de supprimer la peine de mort : Que messieurs les assassins commencent !
(2) Version immorale et incivique (réservée aux anarchistes) :
- Tu veux décrasser les bougies de ta BM ? Va sur les autoroutes allemandes.
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