S'il n'y a d'effort que l'effort de l'intervalle, celui
par lequel l'ascète fait l'exercice de la pénitence ou par lequel l'athlète
serre les dents, bande ses muscles, s'arc-boute contre les résistances, alors,
non, vouloir n'est pas un travail! La décision qui implique le courage de
commencer, mais non point la patience de continuer ni l'endurance pour durer la
durée, cette décision soudaine n'est du tout un travail...
V. Jankélévitch – Le
Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957
Pour tout le monde et pour chacun, les « bonnes
résolutions » sont le fruit du changement d’année, comme s’il s’agissait
d’un changement d’ère : voici un nouveau commencement, et tout ce qui a
loupé l’année passée va réussir cette année. Il suffit de le vouloir, de faire
le serment à soi-même qu’on ne va pas lâcher prise.
Là-dessus, Jankélévitch ironise comme à son
habitude : cette décision soudaine
n'est du tout un travail... Allez-y donc ! Résolution de perdre
l’excès de capiton, d’apprendre à parler couramment la langue de Shakespeare
(ou celle de Goethe ou encore celle de Mo Yan) : cela va vous couter le courage de commencer, mais non point la
patience de continuer ni l'endurance pour durer la durée.
A quoi faut-il s’engager alors ? Faut-il dire :
il ne suffit pas de partir, il faut encore arriver ? Et du coup de
considérer avec suspicion des résolutions qui engagent à franchir une étape
gigantesque ? Evidemment ; mais on peut pour aller plus loin
expliquer ce que c’est que l’effort.
Il n'y a d'effort
que l’effort de l’intervalle, dit Jankélévitch, c’est-à-dire : aller
d’un point à un autre, de 85 kilos de graisse à 84 kilos 500, ou réduire de 3
minutes le temps de votre course sur le parcours habituel. Car c’est le franchissement
qui est le champ de l’effort, ce qui signifie que l’effort implique la durée,
et même l’endurance pour durer la durée.
Chaque jour sera l’occasion de vivre cet effort, parce que c’est dans le
présent de l’action et non dans celui de la décision qu’il se trouve.
Ce qui signifie que la décision inaugurale peut bien être
oubliée : oublié pourquoi on veut affiner sa silhouette ou parler chinois
– qu’importe ? L’exercice pour en réaliser le projet est l’hygiène de la
vie, ce qui l’accompagne et la soutient.
Je ne suis pas loin de penser (comme je crois
Jankélévitch) que ce qui compte ce n’est pas le projet : qu’importe le
projet ? Ce qui compte c’est de faire : c’est l’effort pour le
réaliser.
1 comment:
Quand aujourd'hui je décide de me mettre à pratiquer la méditation pour apprendre à me concentrer dans la vie :-)
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