Sunday, October 12, 2014

Citation du 13 octobre 2014


Je viens d'entendre un cri nécrophile et insensé : Viva la Muerte ! (Vive la Mort !) Et moi, qui ai passé ma vie à façonner des paradoxes qui ont soulevé l'irritation de ceux qui ne les comprenaient pas, je dois vous dire en ma qualité d'expert, que ce paradoxe barbare est pour moi répugnant.
Miguel de Unamuno (12 octobre 1936)  (1)
Peut-on se réjouir de la mort ? Je veux dire : non pas de sa propre mort, comme ce serait le cas pour un malheureux qui souffrirait au point de refuser de continuer à vivre, mais bien de la mort d’autrui, qu’il soit l’ennemi personnel ou qu’il fasse partie d’une population haïe comme ce fut le cas en Espagne durant la guerre civile. C’est ainsi que bien des gens ont salué l’annonce de la mort de Ben Laden : « Voilà une très bonne nouvelle ! ».
De tels propos sont-ils normaux ou bien répugnants ? Pour découvrir ce qui fonde notre attitude par rapport à cela, il faut aller beaucoup plus loin. Peut-on aimer la mort en général, celle qui frappe à l’instant où j’écris ces lignes des tas de gens à l’autre bout du monde – des gens que je n’ai pas connu et que je ne connaitrai jamais ? Il faut aller jusque-là pour  prendre l’exclamation Viva la Muerte ! dans son sens absolu ?

Oui – absolu : celui qui nous fait applaudir la mort et non telle ou telle mort. La mort qui nous débarrasse du vivant, qui fait le ménage, qui anéantit ce qui existe. Le bonheur de voir la vie disparaitre dans un dernier spasme, comme le chasseur qui contemple sa victime agonisante ; ou encore, comme dans Apocalypse now (le film de Coppla), le général américain qui parle avec des frémissements de la délicieuse odeur du napalm dans le village Viet incendié. (2)
A coup sûr, Viva le muerte va jusqu’à cet amour-là. Pour ceux qui osent affronter cette idée, il ne reste plus que la psychanalyse pour arriver à donner du sens à cette abomination : thanatos ! (3)
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(1) Viva la Muerte ! est donnée comme étant la devise de la Légion Etrangère espagnole. De fait, la devise de la Légion étrangère espagnole est : «Novios de la Muerte» (« Fiancés de la Mort ») : on serait plutôt en présence d’un renoncement à la vie de la part de soldats prêts à mourir au combat en héros.
On se reportera à cet article pour le détail de cette cérémonie mémorable baptisée "Jour de la Race", qui eut lieu dans le grand amphithéâtre de l'Université de Salamanque, dont Unamuno était le Recteur.
(2) « J’aime l’odeur du napalm au petit matin ! Ça sent bon… la victoire ! »
A voir ici
(3)  "Alors que les pulsions de vie (regroupant les pulsions d'auto-conservation (ou pulsions du moi) et les pulsions sexuelles du premier dualisme pulsionnel) tendent à la liaison, la pulsion de mort tend à la déliaison : elle veut « casser », réduire à néant, détruire, ramener le vivant à un état antérieur anorganique, et vise d'abord le sujet lui-même" (Wiki - Art. cité)

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